Un peu d'absurde, ça fait du bien...!


Mais quel est ce drôle de titre ?
Un livre sur le Congo ? Sur le Katanga ?
Eh non, rien de tout ça !

L'action se passe en fait à Namur autour de 4 personnages très différents. Il y à Joseph l'écrivain d'un livre : « la Tactique Katangaise ». Floyon, un prof d'histoire complètement parano. Stan un ado de mêmes pas 18 ans, limite érotomane. Et Henriette la grand-mère de Stan.

Il s'agit d'un roman dans un roman, mise en abymes que l'auteur Nicolas Marchal semble affectionner. Et pour les 4 protagonistes du livre, « La tactique Katangaise » à une signification particulière.
Le roman est disséqué de toute part par les personnages qui y cherchent leur vérité. Ils le vénère ou le déteste, ils voudraient le faire vivre ou le détruire.

Au travers de ce livre, les personnages sont en quêtes d'aventure, ou tentent d'échapper à la réalité. Le livre représente tant le Saint Graal pour Floyon, qu'une boîte de Pandore pour Joseph.
Ils ont chacun leur âge, chacun leur problème, leurs envies ou phantasmes.

Nicolas Marchal, jeune professeur de français Namurois signe ici son second roman.
Il joue habilement avec les mots et se glisse avec aisance, tour à tour, dans la peau d'un ado amoureux, de ce drôle de prof d'histoire, ou encore d'une grand-mère essayant d'intéresser son petit-fils.
Et puis il y à Joseph pour qui se livre n'aurait jamais dû être écrit. Les protagonistes se servent du contenu de la tactique pour étoffer leur croyance ou volontés.
Roman assez délirant sur fond de colonisation belge où l'amour y est sous –jacent, bien qu'il s'agisse d'histoires d'amour non-abouties, fantasmées ou mortes.

Ecrit sur un mode plutôt absurde, les tirades du professeur Floyon, si on aime cet humour, peuvent être hilarantes( « (...) C.I.A au cul, à travers les jungles et les déserts, entre au Soudan, remonte le Bahr el Djebel, puis le Nil blanc, passe en Egypte, s'installe et se fait oublier à Héliopolis, tiens donc (Héliopolis = le vent = éoliennes = énergie propre = Kyoto = non ratifié par les States = lobbies pétroliers = guerre en Irak ) [...] Vous suivez ? ») (p29).
Outre ses diatribes complotistes, Floyon s'en sort pas mal non plus dans ses portraits de parents d'élèves.
Les passages de Stan ne sont pas en reste, spécialement cette dissertation sur l'amour (« (...) les exemples ne manquent pas pour montrer que l'amour rend aveugle [...]et on ne peut que spéculer sur ce que le monde serait si Jésus ne s'était pas laissé prendre par les Romains parce que Marie-Madelaine le trompait avec Judas, si les Barbares n'avaient pas passer le Rhin pour se farcir les petites Gallo-romaines( il faut avoir vu une Ostrogothe d'époque pour comprendre)(...) »)(p130), ou quand il nous parle du Martini ou de Cynthia, et de ses cheveux à lui qui ne poussent pas assez vite.

Mais l'absurde peut être comique, triste ou sérieux. Et tour à tour on passe par ces différentes phases de l'absurde
Si le ton est souvent léger, que les personnages peuvent être râleurs ou sarcastiques, on ne peut s'empêcher de ressentir la gravité des protagonistes. Spécialement chez Joseph ou Henriette.
La tristesse dans le roman est que les personnages sont seuls dans la vie.
Joseph, parce qu'il en a marre d'être traité en vieux (« C'est dingue ce qu'on se permet de parler avec les vieillards ou avec les enfants. Il y a une fourchette bénie, entre 20 et 70ans, où les gens font au moins semblant de se respecter, période ô combien sacrée de l'hypocrisie, on ne s'aborde pas dans la rue ou dans le train comme des chiens se flairant l'anus. ») (p.146), qu'il veut en finir avec son maudit bouquin qui a détruit son mariage et ainsi se faire pardonner envers sa défunte épouse. Et surtout en finir avec la vie pour la rejoindre.

En racontant une fausse histoire de son mari à Stan « (...) et ça a été très vite dans ma petite tête, en avant, Henriette, il me faut une histoire passionnante, il me fallait une histoire passionnante, pour qu'il m'écoute (...) » (p.36) la réalité finit par se confondre avec la fiction pour Henriette. Mais aussi pour Floyon au sommet de sa folie où tout s'entremêle.
Un quatuor attachant

Le roman est parfois à deux vitesses et on aimerait que l'auteur se lâche encore plus dans son délire et dans l'absurde, parce qu'il y est vraiment bon, avec un regard piquant et drôle sur la société. Mais encore, c'est une question de goût. On le verrait bien y aller à fond dans son délire. Nicolas Marchal à bien son propre style ; ses portraits, très visuels, que l'on verrait bien adaptés en pièce de théâtre... !

MARHAL Nicolas, La Tactique Katangaise, Editions La muette, éditions Bord de l'Eau, Belgique, 2011, p.234
6am
7
Écrit par

Créée

le 27 avr. 2012

Critique lue 424 fois

2 j'aime

6am

Écrit par

Critique lue 424 fois

2

D'autres avis sur La tactique katangaise

La tactique katangaise
FéElisabeth
8

« La tactique katangaise, ça s'est du solide » (p.61)

Le jeune romancier belge Nicolas Marchal nous fait partager dans son roman "La tactique katangaise" un moment de la vie de quatre personnages bien différents les uns des autres, liés cependant entre...

le 1 avr. 2012

4 j'aime

La tactique katangaise
CharlotteZ
5

Entre une belgitude qui fait du bien et une atmosphère dérangeante

Avec « La tactique katangaise », Nicolas Marchal, professeur de français originaire de Namur, ne nous fait pas vibrer ni vivre une aventure à la Indiana Jones comme le présage le titre. Néanmoins, sa...

le 26 mars 2012

3 j'aime

La tactique katangaise
6am
7

Critique de La tactique katangaise par 6am

Un peu d'absurde, ça fait du bien...! Mais quel est ce drôle de titre ? Un livre sur le Congo ? Sur le Katanga ? Eh non, rien de tout ça ! L'action se passe en fait à Namur autour de 4 personnages...

Par

le 27 avr. 2012

2 j'aime

Du même critique

La tactique katangaise
6am
7

Critique de La tactique katangaise par 6am

Un peu d'absurde, ça fait du bien...! Mais quel est ce drôle de titre ? Un livre sur le Congo ? Sur le Katanga ? Eh non, rien de tout ça ! L'action se passe en fait à Namur autour de 4 personnages...

Par

le 27 avr. 2012

2 j'aime