...Critique ??? Cette oeuvre aura-t-elle si bien traitée la thématique du vide qu'elle en aurait fini par devenir sa représentation vivante au sein du monde littéraire ? L'ironie du destin aurait-elle si efficacement faire taire les rumeurs que sa réputation se soit restreinte aux cercles des bibliophiles les plus acharnés et friands d'antiques oeuvres tellement anciennes que les pirates n'ont pas pris la peine d'en faire des ebook ??? Je m'interroge.
...Mais je ne me contente pas de cela ; car à quoi sert une série de questions rhétoriques sans objet ? Tout comme une histoire sans héros "visible" ? Car ici comme le titre l'indique clairement, on nous narre la belle histoire d'un chevalier parfait, méthodique, courtois, charmant, intrépide et loyal et qui ne souffre que d'un petit défaut...Il n'a aucune enveloppe charnelle ! Par cette idée centrale, notre bon auteur du Baron perché nous introduit à la plus glorieuse époque de la chrétienté où le vaillant Charlemagne entouré des plus beaux chevaliers du royaume s'en vont courageusement bouter les infidèles hors d'Espagne... Enfin cela est sur le papier...
Dans la réalité, Calvino nous dresse un portrait à la fois peu reluisant et moqueur de ces guerriers qui sous couverts d'idéaux des plus nobles, se vautrent dans l'indiscipline, la crasse et se laissent aller en quelque occasion au pillage et au meurtre. La recherche d'une hypothétique relique sacrée se relevant bien plus importante que la vie de quelques pauvres malheureux... On se moque ainsi des vieux récits chevaleresques et de leur tradition d'être sans failles et ceci notamment par des allers et retours réguliers sur notre bon Agilufe dont la perfection n'est qu'un des nombreux mirages dont se parent l'univers... Et les individus qui l'animent bien entendu.
Pour autant, le récit malgré son côté parodique se laisse aussi aller à une franche fantaisie. Et si on se moque des faits de gloire illusoires dont se vantent les "héros", on sait également inciter à la rêverie à travers une flopée de personnage secondaires forts attachant, à commencer par un Goudoulou/Gordulf/Ganorf/Ga...Bref "quelqu'un" croyant être ce qu'il touche/voit et imitant par exemple marmites, poissons et arbres et faisant figure de parfait reflet du chevalier. Car tout comme lui, il tend à vouloir prouver qu'il existe et qu'il a sa légitimité dans l'histoire. Calvino ne fait ainsi pas que railler une vieille tradition désuète mais incite de manière ludique à réfléchir à son sens pour pouvoir se la réapproprier et s'en détacher sans pour autant rejeter ses qualités. Or n'est ce pas l'objet de la création elle-même ?