L'amour courtois version fantasy moderne

À quoi ressemblerait le roman courtois s'il était écrit au 21ème siècle au lieu du 12ème ? Et bien à ça.
Les lieux-communs sont présents, l'amour, la chevalerie, des épreuves à surmonter et des monstres à terrasser. Mais le 20ème siècle a vu le développement de la fantasy et a permis d'ajouter de nouvelles techniques aux auteurs du genre.
Ainsi dans le chevalier rouge, l'action et le monde dans lequel elle se déroule sont beaucoup plus détaillés et moins sujets à ellipse.
Les points de vue multiples sont utilisés de manière très dynamique pour suivre différents personnages. Leur alternance, au milieu d'une bataille, d'un camp à l'autre, ajoute de l'intensité à la scène, et permet d'éviter que l'action soit trop noire-et-blanche de part une dichotomie "gentils/méchants". Même si le personnage principal a tout du héro qu'on veut voir gagner, les autres sont plus nuancés, et de nombreuses factions sont à l'oeuvre dans ce monde ; les changements de points de vue sont bien employés pour donner à chacun une certaine épaisseur qui va un peu plus loin que l'habituel manichéisme qui gangrène le genre.


Un autre point particulièrement fort de ce roman, par rapport au reste de la fantasy, est le réalisme : les combats sont crédibles et brutaux ; la vie des chevaliers correspond à celle d'une certaine époque de l'histoire (fin de 14è/début 15è) comme on peut le voir à leurs vêtements, leurs armes, leurs armures ou leur statut social. Il y a évidement des libertés qui sont prises pour cadrer avec un univers fantastique, mais on a aucune peine à s'y croire.
Miles Cameron est l'un des rares auteurs de fantasy à écrire des batailles aussi vraies : les armures remplissent leur rôle de protection comme il se doit, une armure de plate n'est vulnérable que dans les interstices entre les plates, d'où le sentiment d'invulnérabilité des personnages dont certains lecteurs se plaignent mais qui m'a au contraire enchanté ; les armes sont utilisées correctement, l'escrime est tirée des manuels d'époque et l'épée reprend son rôle historique d'arme secondaire au profit de la lance comme principale ; l'archerie n'est pas la reine des champs de bataille mais un outil qui doit être utilisé de manière réfléchie ; les tactiques militaires, la logistique, le placement des troupes et des engins de sièges sont crédibles ; et enfin les charges de cavalerie sont terrifiantes lorsqu'elles sont utilisées judicieusement !


Le monde dans lequel se déroule l'intrigue est bien construit ; la géographie, l'histoire, la religion et la culture sont enrichies par les perspectives des différents personnages – rois, reines, chevaliers, prêtre-guerriers, esclaves, sauvages et créatures du Monde sauvage.
La magie est présente et encore mystérieuse mais semble obéir à des règles.


L'histoire d'amour du héro pour la femme inaccessible est un classique – ça fait même des siècles qu'on a déjà tout déjà dit et de toutes les manières possibles sur le sujet – mais elle permet de les voir sous un jour plus humain. Et la guerre de siège qu'ils subissent crée une atmosphère particulière. Les personnages secondaires, par contre, sont assez plats ; le roman étant déjà bien rempli et suivant un rythme soutenu, il est difficile d'en vouloir à l'auteur.


Pour ajouter quelques petits défauts : l'orientation spatiale contient quelques erreurs ou ambigüités, faute de l'auteur ou de la traduction je ne sais pas, mais une certaine ville est située un coup à l'Est d'une autre puis un coup à l'Ouest ; certaines créatures du Monde sauvage sont moins décrites que d'autres alors qu'elles ont plus présentes, et les descriptions varient beaucoup, cela rend difficile de se les représenter.


Si vous aimez la fantasy et le roman chevaleresque, celui-ci est ce qui se fait de mieux à la croisée des deux. le rythme est rapide et malgré la longueur du livre (840 pages) aucune longueur ne se fait sentir. Quand vous aurez dévoré ce roman, rappelez vous qu'il ne s'agit que du premier tome ; le second, La lame noire, pousse encore plus loin la construction du monde ; je n'en peux déjà plus de devoir attendre le tome trois !

Sivoj
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le 22 févr. 2017

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