Je me souviendrais toujours de ce que j’ai dit avant d’ouvrir le livre :


« ah c’est un classique mais ça doit faire un peu vieille Fantasy ringarde non »


… bougre de petite idiote inculte que j’étais alors (et que je resterai probablement… mais là n’est pas le propos) !


Oser douter de la qualité intemporelle de ce monstre de l’Heroic fantasy !
D’après ce que j’ai compris (merci l’introduction) cette intégrale regroupe pour la première fois les textes de R.E Howard en les laissant dans leur chronologie d’origine et en présentant le texte original (le premier volume concerne les nouvelles écrites entre 1932 et 1933). En effet, il semblerait que des petits malins aient, par la suite, eu l’outrecuidance de revoir le texte ainsi que cette chronologie pour la rendre « cohérente ».
Par ailleurs, la première partie de l’intégrale ( rédigée par le traducteur et spécialiste d’ Howard, Patrice Louinet) nous renseigne aussi beaucoup sur l’auteur et sur le contexte de son œuvre, ce que j’ai particulièrement apprécié.


Bref passons à l’essentiel : les aventures !


Bien qu’inégal, c’est juste (oui j’ose employer ce mot) terrible !
L’univers dans lequel évolue le cimmérien est varié et magique. Au fil des aventures, on se retrouve au cœur de cités fabuleuses, au plus profond de ruines mystérieuses, dans les méandres de jungles dangereuses ou à bords de bateaux pirates (oui j’ai pas de rime en –euse). Les descriptions sont fantastiques, le récit est bien rythmé et il est très facile de s’immerger complètement dans le monde de Conan. Le schéma des aventures est toujours un peu le même certes. Ce facétieux Destin amène Conan, qu’il soit esclave, mercenaire, chef de clan ou roi, a se confronter aux forces du mal (riches hommes corrompus, rois sanguinaires ou entités monstrueuses), souvent pour les beaux yeux d’une jeune demoiselle en détresse.


Concernant les dites demoiselles, j’ai énormément de respect pour Conan. Se battre à un contre tout plein c’est déjà pas une sinécure mais si en plus faut se coltiner la gourdasse qui se cramponne à son cou en plein combat c’est sacrément badasse. Faut dire aussi que les pauvres sont souvent peu vêtues alors du coup je suppose que les gros muscles du barbare sont un moyen comme un autre de se cacher et de sauver sa pudeur. Si elles n’agissent pas de la sorte, elles seront d’ailleurs de viles tentatrices aux intentions plus ou moins louables… La dualité de la Femme dans l’œuvre mériterait une critique en elle-même : soit il s’agit d’une pauvre Femme-objet, petit bout d’innocence volée et entravée qui ne peut survivre sans Conan, soit il s’agit d'une Femme-guerrière séduisante (parfois démoniaque) qui ne rêve que d’or et de luxure. Certaines, comme Bêlit la sombre pirate, sortent du lot et j’avoue que ce sont généralement dans mes nouvelles préférées…


Quand la dite demoiselle n’est pas en détresse, quelques menues babioles de valeur motiveront tout aussi bien notre héros. Et quel héros ! Venu de la lointaine et rude Cimmérie, cette contrée qui est un mystère pour la plupart des personnages que rencontrera Conan, mais qui rayonne d’une aura de brutalité primordiale. Le barbare, aux yeux d’un bleu ardent, a la souplesse du tigre, une force herculéenne et une volonté d’acier. Il ne craint rien sinon les démons et les dieux. Et quand on lit la description des démons dont il croisera parfois le chemin on comprend d’ailleurs tout à fait sa peur (et on salue aussi l’amitié de Lovecraft…). Conan est droit. D’une droiture de « sauvage » mais son sens de l’honneur brille face à la corruption et à la décadence des hommes civilisés. Ceux la même qui le qualifient de barbare. Car c’est bien un thème récurrent des histoires : la civilisation et sa déchéance. L’opposition entre le monde sauvage et le monde civilisé.
D’ailleurs quand on lit certaines phrases on comprend pourquoi ces nouvelles sont intemporelles



En règle générale, les hommes civilisés sont plus malpolis que les sauvages car ils savent qu'ils peuvent se montrer grossiers sans se faire fendre le crâne pour autant.



Ce qui sauve Conan à chaque fois c’est son instinct animal, son courage face à ceux qui ne peuvent justifier au combat leur prétention, son respect et sa crainte des seules puissances faces auxquelles il se sait inférieur : les divinités. On le dit Barbare mais quand il sauve le dieu prisonnier dans La tour de l’éléphant, on se demande qui de Conan ou du bourreau qui maintenait la divinité captive est le barbare.


A l’origine ces nouvelles sortaient régulièrement dans des magazines américains (principalement Weird Tales) ce pourquoi il est facile de trouver le recueil assez répétitif si on le lit d'une seule traite. Malgré ça, j’avoue qu’à chaque fois que j’ai essayé de faire un break et de lire autre chose l’univers de Conan m’a manqué. Et c’est ça la force du truc ! J’ai eu le sentiment d’être une ado qui attendait la sortie de son mensuel. J’ai une addiction aux monstres, aux intrigues et aux paysages de Conan. J’y trouve même pas mal de poésie (rien que le fabuleux poème en début de l’intégrale !). Et si je sais pertinemment que Conan finira par vaincre et par rafler gloire et jeune demoiselle bah j’adore et j’en redemande.

Chocodzilla
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le 6 janv. 2017

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