"vous dans votre for intérieur, vous n'êtes pas bien sûrs de ne pas être des assasins !"

Lors de sa publication en 1829, Le Dernier jour d'un condamné a déclenché de violentes critiques. En effet, comme l'explique Roger Borderie dans sa notice à l'ouvrage, il y a deux façons de passer à côté de cette œuvre de Victor Hugo. La première est d'y déplorer le manque d'éléments anecdotiques et la seconde est de n'y voir qu'un plaidoyer contre la peine de mort.

Je compte ici apporter des réponses personnelles face à ces deux attaques sur le roman. Premièrement, il me semble que l'absence d'explication quant au crime du condamné dont on ne connait pas l'identité est un choix judicieux de la part de l'auteur. En effet, cela permet d'atteindre le lecteur d'une manière plus efficace. Ainsi, ce dernier s'identifie plus facilement à cet homme vivant ces dernières heures, car il représente non pas un homme en particulier, mais toute la condition humaine. Ses pensées sont celles que tout un chacun pourrait ressentir à l'approche de sa mise à mort. De plus, si Hugo nous avait conté l'histoire de cet homme, il serait, je pense, passé à côté du message de son roman. Nous aurions eu droit à une sorte de lugubre ancêtre de l’Étranger de Camus.

Quant à la critique selon laquelle Victor Hugo n'a écrit ici qu'un plaidoyer politique sans aucune qualité romanesque, encore une fois, je fais objection. Certes, l'écrivain s'érige ici contre une pratique qu'il trouve abjecte et dépourvue de toute humanité. Il relance un débat qui était vif à son époque, mais ne l'est-il pas encore aujourd'hui ? Si Hugo a rencontré une telle critique, à mon avis, c'est parce qu'il écrivait une œuvre moderne qui allait résister à l'épreuve du temps. Il nous livre ici, outre une invitation à la réflexion quant à la peine de mort et à son abolition, une œuvre emplie d'humanité et de procédés littéraires (par exemple, celui du manuscrit trouvé).

Pour moi, Victor Hugo écrit ici l'histoire de la condition humaine, sans tomber dans le pathos, une réflexion sur la vie et la mort d'un homme, mais aussi sur celles de chacun d'entre nous. L'auteur met en avant la cruauté d'une justice qui commet le même crime que le condamné pour le punir. Le Dernier jour d'un condamné n'aborde pas le débat de manière directe, il conjugue, selon moi, de manière harmonieuse la qualité littéraire et artistique et la profondeur du réquisitoire politique.