Freud le disait déjà : " Que veulent-elles ?"

Je m'attendais à pire (peut être que le pire viendra avec le deuxième tome) même si je suis en désaccord avec le fond et qu'elle n'arrivera jamais à me faire changer d'avis, ça reste un essai qu'il faut lire parce que, rien que d'un point de vu culturel, ce n'est pas dénué d'intérêt.


Alors au début, De Beauvoir montre à quel point la femme a été soumise dans l’histoire, à quel point sa condition était médiocre (tout en nuançant) tout en se gardant bien d’évoquer la condition de l’homme. Parce qu’on va arrêter l’hypocrisie, si on avait dit, à l’aube des premières civilisations « bon maintenant, on inverse les rôles, toi, la femme, tu vas partir faire la guerre et la chasse et moi je m’occupe du foyer », ça n’aurait enchanté aucune femme donc c’est dur pour tout le monde, qu’on soit homme ou femme et ça De Beauvoir ne le dit à aucune moment, elle donne l’impression, comme tous les féministes, que les femmes ont le monopole de la souffrance. Elle s’autorise toutes les comparaisons, elles comparent les femmes aux Juifs (c’est vrai que la femme a subi des génocides), aux Noirs, aux prolétaires (je l’attendais celle-là), elle cite même une phrase de Bebel « la femme et le prolétaire sont tous deux des opprimés » Sérieusement ? Tu vas me faire croire que la femme issue de la haute bourgeoisie ou de la noblesse avait les mêmes conditions que les prolétaires ? C’est limite indécent de sortir ça parce que c’est évidemment faux, ce qui détermine avant tout les conditions de vie, c’est avant tout la classe sociale, pas le sexe... Elle te dit que les femmes étaient exclues de l'intelligentsia mais quand tu lis les correspondances de La Rochefoucauld, Voltaire et d’autres, ils correspondaient avec des femmes d’égal à égal… Rousseau a été entouré de femmes toute sa vie, faut arrêter deux secondes. Mais De Beauvoir admet quand même que des femmes ont accédé à intelligentsia et qu'elle se sont même intéressées aux sciences mais que c’était des exceptions donc pas représentatif… Parce que Rousseau, Voltaire et les autres n’étaient pas des hommes d’exception peut être ?


Surtout, elle omet tout l’aspect humain : ce n’est pas parce que la loi a fait en sorte de soumettre la femme à son mari que celui-ci la traitait mal, que tous les maris battaient leur femmes, les dominaient méchamment etc… Comme ça ne veut pas dire que la femme était tout le temps un pauvre petit être soumis et docile… C’est un peu comme ne pas faire la différence entre la théorie et l’expérience.


Elle dit à un moment que la plupart des reines ont mieux gouverné que les rois, genre les femmes gouvernent mieux que les hommes… Peut-être, mais là comme ça l’arrange elle ne va pas te dire que la cause vient de la société non… Par contre, quand tu dis qu’il y a plus de génie chez l’homme que chez la femme, là non ! C’est parce que l’homme a toujours été privilégié et que la femme n’a pas eu accès à la culture blablabla. C’est sûr qu’aujourd’hui, à l’heure où la femme a les mêmes droits que l’homme (à part pour ceux qui chipotent), on assiste à un cortège de génies tous les jours ! Hommes comme femmes d’ailleurs !


En fait, c’est le point fondamental de toute son idéologie : De Beauvoir refuse toute essence, masculine ou féminine, on ne peut caractériser la femme, dire que la femme est comme si ou comme ça, parce qu’elle a été le produit d’une société régie par l’homme, l’homme est tel qu’il se fait, la femme, tel que l’homme l’a faite. Il n’y a pas d’éternel féminin, uniquement des comportements que la société détermine. Mais là, elle fait juste fi de la génétique, des représentations inconscientes, du complexe d’Œdipe (en fait elle parle de ce complexe mais pour elle, le père ne joue aucun rôle, pratique…), d’Electre, du phallus comme symbole de pouvoir à travers toutes les cultures, comme si ça n’avait pas d’importance et qu’il fallait retenir qu’une seule chose : l’existence précède l’essence. Mais ce n’est rien qu’une idéologie son truc hein, c’est fondé sur du vent. L’expérience (chacun peut se rendre compte que la femme n’a pas besoin d’être dictée comme tel par la société et l’éducation pour se comporter typiquement comme une femme hein), la psychanalyse, les théories de l’évolution (même s’il est difficile d’être évolutionniste et essentialiste en même temps) montrent tout autre chose.


Surtout, elle utilise des sophismes et de la psychologie de bazar pour expliquer pourquoi des propos comme ceux de Montherlant était aussi négatifs à l’égard de la femme, elle va te dire que c’est parce qu’il en avait peur, qu'il était complexé…Peut-être que Weininger et Schopenhauer avaient aussi peur de la femme mais la vérité est qu’on s’en tape parce que premièrement, ce n’est qu’une hypothèse perchée et secondement, même s’ils avaient vraiment peur de la femme, ça expliquerait que leur prise de position par rapport à celle-ci, en rien ça ne discrédite leurs arguments. Et je suis désolé mais tout ce qu’ils ont dit sur la femme, je l’ai constaté, c’est un fait, c’est comme ça… En fait, elle n’attaque pas de front le problème de la femme, elle préfère sortir des arguments ad personam ou une formule de son mari ou de Hegel pour dire qu’il n y a pas d’éternel féminin. Ce n’est pas convaincant parce qu’à des faits on y oppose des faits, à des arguments, des arguments ; elle, elle y oppose une idéologie (celle de Sartre) qui ne repose sur rien du tout, elle n’est à aucune moment capable d’aborder le sujet. A un moment donné, elle cite Nietzsche, celui-ci disait que les périodes où l’Eternel féminin a été exalté sont des périodes de décadence mais elle ne le commente pas comme si pour elle, ça relevait du délire. Sauf que notre époque ne fait que confirmer ce que Nietzsche disait. Notre culture n’a jamais été aussi décadente, on conforte les individus dans leur matérialisme primaire, dans leur médiocrité et quelles sont les valeurs qui dominent ? Certainement pas les valeurs viriles hein.


Là où l’essai est intéressant et parfois même pertinent, c’est quand il montre la complexité des rapports hommes/femmes …. L’homme a presque même un rapport contradictoire avec la femme et De Beauvoir cite plusieurs exemples : il méprise la femme parce que ce sexe lui rappelle d’où il vient, sa propre chair, sa finitude lui montre sa mort à venir alors que toute son existence aura pour but de dépasser cette enveloppe charnelle qui le condamne, de se poser en dehors du temps… Beaucoup de mythes nous montrent le héros qui lutte contre le symbole de la mère, ça va du héros qui se retrouve dans les entrailles d’un monstre à celui qui se trouve dans une grotte et qui doit en sortir… Les contes mettent en scène (souvent) une sorcière qui dévore des enfants, ce n’est rien d’autre que la figure de la mère castratrice qui empêche l’homme de s’élever, qui cultive ses peurs et ses angoisses pour le garder près de soi. L’homme est ce combat acharné qu’il mène contre la figure maternelle, figure qui représente en même temps le réconfort, la protection et le recueillement que l’homme recherche aussi bien chez sa mère que chez sa femme…


C’est pareil pour ce qui est des valeurs morales, l’homme méprise la ruse, la lâcheté et la mauvaise foi de la femme parce que ses valeurs viriles en sont à l’opposé mais attribue aussi à la femme, la paix, la réconciliation, la justice etc... Il ne supporte pas son hystérie et son inconscience mais en même temps, il ne peut être séduit que par une femme qui est un peu inconsciente, un peu hystérique; la femme ambitieuse et qui sait ce qu’elle veut n’est pas séduisante, elle est castratrice. Il faut que l’homme sente sa faiblesse, qu’il ait envie de la protéger, qu’elle suscite de la pitié…


Sur un plan métaphysique, on retrouve cette même contradiction, Pythagore disait qu’il y avait un principe mauvais qui a créé « le chaos, le désordre et la femme ». De Beauvoir cite Montherlant : « ces ténèbres convulsives ne sont rien de plus que le féminin à l’état pur ». Mais aux yeux de l’homme, les ténèbres et le néant lui évoquent à la fois l’angoisse et le réconfort, la mort et l’apaisement des souffrances…


L’homme domine la femme en même temps qu’il la protège, le patriarcat, c’est ça : une société qui a fait en sorte de dominer la femme et en même temps, l'a protégée contre le monde extérieur.
L’homme a un besoin de dominer, il a besoin de dominer l’Autre et, selon De Beauvoir, l’Autre, c’est la femme justement. Freud aurait dit qu’il a besoin de dominer la femme pour se rassurer. Toujours est-il que ce besoin de dominer, la société patriarcale permettait de l’assouvir mais à travers des droits, l’homme avait le droit de dominer la femme. Ce que les féministes n’ont pas compris, c’est qu’en enlevant ces droits, on n’enlève pas ce besoin de domination, au contraire, on le rend plus barbare, plus violent parce qu’il n’est plus canaliser par des lois. C’est ce que dit Christopher Lasch dans un de ses essais où il montre en plus une étude sur l’évolution du comportement des hommes envers les femmes dans les films durant les années 70 ( donc pas n'importe quelle année), le comportement était passé du respect au viol. Il n’y a qu’à voir aussi l’évolution des films pornos, aujourd’hui, t’as des viols qui sont mis en scène, des mecs qui sont à 15 sur une femme… Avant, ces films étaient beaucoup moins violents.


Par ailleurs, elle commente la vie et l’œuvre de Stendhal et celui-ci dit que, si la femme est plus dans l’émotion que dans la raison, c’est parce que son éducation ne lui a pas permis de l’utiliser (sa raison), qu’elle était éloignée des affaires de famille… Mais bien sûr… Ça m’énerve d’autant plus que c’est Stendhal qui dit ça mais ça reste une grosse connerie. Je connais des femmes qui ont fait des études (doctorante, agrégée…), qui ont réussi dans leur vie où sont restées mère au foyer, ça ne change rien, qu’elles aient dû utiliser leur raison où pas, elles se comportent et raisonnent toutes comme des femmes, elles ont une meilleur intuition que l’homme souvent mais sont dans la ruse, utilisent l’homme pour arriver à leur fin, sont de mauvaises fois, des chieuses finies, elles sont insensibles à l’art où quand elles s’y intéressent, c’est à travers l’être aimé donc de manière superficielle… Bien sûr, il ne s’agit pas de dire que toutes les femmes sont comme ça mais qu’il y a des comportements typiquement féminins.


Finalement, je ne sais toujours pas ce qu'elle veut, pourquoi elle a écrit ce livre, parce qu'une féministe qui demande l'égalité homme/ femme, on peut dire qu'elle ne sait pas ce qu'elle demande, ce que ça implique mais là, De Beauvoir est suffisamment cultivée pour se rendre qu'on touche ici à quelque chose de profond, à l'être, aux relations homme/femme, à leur complémentarité, aux fondements de presque toutes les civilisations etc...


Que veut-elle ? Peut être la réponse sera dans le deuxième tome que je crains un peu... Je sens qu’on va devoir se taper toute son idéologie à la noix qui n’est pour moi qu’une forme de nihilisme qui ne s’assume pas. Mais je dois dire que ce premier tome était pas déplaisant à lire; on est dans ce qu’on pourrait appeler du féminisme intelligent, même si ça reste du féminisme…

Gahisto
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le 17 févr. 2017

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