"Le devoir de violence" narre, sur 300 pages d’une extrême densité, huit siècles de l’histoire d’un empire imaginaire, resté aux mains de la même famille de dirigeants. C’est avant tout une déflagration littéraire, qui, tout en empruntant la forme de la fresque, suit un rythme interne bien particulier. Petits ou grands destins s’y croisent dans un étourdissant ballet où domine, pour paraphraser David Cronenberg, "Une histoire de violence". L’Afrique, terre paradoxale, y est dépeinte dans un état de mutilation permanente, de cruauté et de barbarie. Cette violence comme tatouée dans l'esprit et sur l'iris des puissants, qui torturent, tuent, esclavagisent, et vendent d’autres êtres humains, dans ce qu’il faut bien qualifier de jouissance sadique, morbide, nihiliste, domine l’ouvrage, où l’auteur sait aussi insuffler un érotisme féroce et sensuel, d’une grande vivacité. Eros et Thanatos dans le prisme Afrique. L’Occident a toujours cet étonnement "humaniste" quand un conflit éclate actuellement en Afrique… Ce livre montre combien de siècles furent traversés par cette même folie destructrice, la colonisation semblant dans cette chronologie n’être qu’un épiphénomène. Yambo Ouologuem écrit une prose d’une poésie inouïe, quelles que soient les circonstances, et sait également bouleverser par certaines vies exposées, et la tristesse infinie qui en émane, toutes ces vies turbulentes, toute cette beauté finalement brisée, salie. La loi du silence est comme une chappe de plomb face à l’indicible douleur.