Par quel bout parler du Grand Meaulnes. C'est une petite déception, comme si le livre n'avait pas été à la hauteur de mes attentes, mais surtout moi pas à la hauteur du livre.
En refermant ce livre (= en atteignant les 100% sur ma liseuse), j'ai réalisé que le sens m'avait complètement échappé. C'est un livre à digérer, pour qu'il se déploie mieux en nous. Je me suis un peu perdue dans la chronologie, les péripéties confuses et l’aspect feuilleton de la narration.
Les chapitres sur la virée buissonnière d’Augustine Meaulnes m’ont vraiment ravi : les descriptions du domaine perdue sont délicieuses, l’ambiance vaporeuse et insouciante de la fête qui l’enveloppe comme dans un rêve m’ont transporté. La nostalgie est déjà présente au coeur de l’instant présent, c’est doux et fou à la fois… Alain-Fournier fait des descriptions impressionnistes, qui pourraient attiser chez n’importe qui ce doux sentiment de plénitude quand, adolescent, on repère cet instant particulier, ce moment unique qui sera constitutif de notre vie, qu’il faut chérir tant qu’il dure, et qu’on fera revivre à loisir dans notre imagination…
J’ai eu l’impression qu’allait se déployer quelque chose de grandiose, que ces chapitres enchanteurs étaient une vraie promesse pour la suite… mais ça n’est jamais venu, et c’est ce qui m’a frustré.
Une fois qu’Augustin revient à la banale réalité du monde, je me suis un peu désintéressé. L’écriture est belle, mais je n’étais plus transportée, j’étais comme coincée là bas, au domaine perdu.
Cette écriture impressionniste qui m’a tant plu pendant les noces, m’a paru trop évanescente et impalpable pour que je puisse donner un intérêt aux péripéties d’Augustin et François : que les mots ne soient pas posés parfois (émotions, tourments, doutes…), m’a frustré et j’ai eu eu du mal à comprendre la psychologie des personnages… et donc à m’y intéresser. C’est probablement ce flou entretenu qui plaît à tant de lecteurs, j’y ai vu une vraie contrainte dans ma lecture.
Ceci étant, l’écriture d’Alain-Fournier est fluide et admirable, on traverse les saisons et les lieux dits avec fluidité, comme dans un feuilleton. Plus que par le grand Meaulnes, j’ai été fascinée par le pauvre Frantz qui erre à la recherche de sa fiancée perdue. La façon dont le narrateur fantasme le personnage d’Augustin est également magnétique. Mystifié alors qu’il n’est qu’un jeune homme fougueux… Quand on sait qu’Alain Fournier exorcise une historie d’amour déçu vécue à dix-huit ans, en dressant le portrait d’un jeune homme qui s’imagine charmant et romanesque, conquérant une jeune femme aperçue à des noces… c’est d’une poésie folle. Qui sait quels chefs d'oeuvre aurait-il pu écrire s'il avait vécu plus longtemps...