Difficile de mettre des mots sur les mots de Philippe Lançon.
Il témoigne du travail réalisé par les chirurgiens et le personnel hospitalier pour reconstruire le bas de son visage. Comment il faut "abîmer" encore un peu plus le corps pour le réparer. Il raconte sa convalescence aux Invalides après des mois passés à la Pitié Salpetrière. Il n'épargne rien au lecteur mais reste factuel sans pathos. La douleur est présente. Il explique la manière de l'accueillir au lieu de la combattre.
L'auteur décrit également sa nouvelle vie avec la protection policière importante après l'attentat et de plus en plus légère au fil des mois. Il partage comment il vit ses sorties à l'extérieur du cocon de sa chambre. Une scène sur la présence des policiers armés de beretta en charlotte et surchaussures à l'entrée du bloc fait sourire.
Enfin il dévoile une partie de son intimité : les femmes de sa vie, le tri fait entre ceux qui ont le droit de lui rendre visite à l'hôpital et les autres, la relation extrêmement forte qu'il recréé instantanément avec son frère. On ne lui en veut pas de quelques longueurs sur ces voyages dans le monde entier. Comme il le dit lui même : "Je fais toujours trop long".
Son récit de l'attentat est le reflet du livre : factuel. Il raconte ce qu'il a vécu. Il décrit sans jugement. Le lecteur est là, lit sans voyeurisme, se confronte à l'horreur.
A cause de la perte du bas de son visage et d'une trachéotomie, l'homme blessé n'a pas pu parler pendant des mois. Il communiquait avec le personnel médical et ses proches avec une ardoise et un crayon. Ce livre est sa voix, sa parole à travers ses écrits. En tant auteur, il nous la transmet et elle reste en-tête J'ai eu envie de lire des passages à haute voix alors que je ne le fais jamais. Ses mots prennent une autre dimension à l'oral. C'est d'une extrême fluidité.