En dépit d’une structure extrêmement sophistiquée, ce roman a le don de parler directement à l’imagination et au cœur. Comme Hoffman, l’un de ses écrivains préférés, Boulgakov gomme les frontières entre quotidien et surnaturel , les croise, les entre- croise et les superpose sans cesse avec un bonheur proprement stupéfiant. Sorcières, démons et vampires surgies des profondeurs du moyen Age se promènent dans les rues de Moscou ; le heurt d’un univers bureaucratisé, rationalisé, « sérieux » avec le monde fantastique et impertinent de Satan et de ses sbires produit des effets décapants et loufoques d’une ironie irresistible.Comme dans un film de Chaplin, gags, quiproquos, poursuites, coups de feu, acrobaties, métamorphoses se succèdent à un rythme endiablé.A la fois écrivain et clown de génie, Boulgakov nous entretien de philosophie, de religion, et de politique, mais il le fait avec une sorte de fausse désinvolture jubilatoire qui évoque le cirque ou le theatre.Quant à l’histoire d’amour du maitre et de Marguerite, sous ses abords plus convenus, on sent tant d’authenticité, de vérité profonde dans le récit des joies et des tourments que nos deux personnages, qui échappent à toutes les conventions, rejoignent d’emblée les amants mythiques de la littérature universelle.