Un chef d'œuvre ! Combien de fois ai je vu, lu ou entendu ce propos pour qualifier « Le Maître et Marguerite » de Boulgakov ? Je ne sais plus. J'ai fini de le lire il y a peu de temps. Temps suffisant pour avoir pensé et mûri mon jugement : et bien non, pour moi, il ne s'agit pas d'un chef d'œuvre. Pourquoi ? Essayons d'y répondre.

L'histoire, complètement farfelue, est l'exemple même du roman fantastique. Tu y glisses tout doucement, un délice littéraire de ne s'en rendre compte. De l'action, de l'ironie, l'auteur se moque de ces contemporains et de cette société russe plus que corrompue. On rit, souvent, on se s'ennuie, jamais. Pleine de rebondissement, elle mêle action, humour et amour. L'auteur excelle dans sa fantaisie, jeux de mots et calembours à l'appui. Une histoire plaisante donc, aux moult citations et intertextualités. Même beaucoup trop concernant ces dernières, on s'y perd (à plus de 5 renvois de notes par page, à la fin du livre qui plus est, on finit par ne plus y aller du tout).

Il y manque l'essentiel pourtant : un dialogue en filigrane de l'auteur au lecteur. Cette prose qui renvoie à soi même des instants de vie, un témoignage du quotidien, une remise en cause d'un acquis ou encore une réponse à un questionnement. Ce qui fait qu'une identification ou plutôt une implication est possible. Loin d'être une simple contemplation, une prose où le lecteur est lui-même associé, dans une longue réflexion sur la vie. C'est exactement cela qu'il manque à « Le Maître et Marguerite », autre chose qu'une simple histoire très loin de soi et de sa vie. Les livres excellents sont des livres qui mêlent histoire palpitante, prose esthétique et surtout réfection sur le monde, qui ne permet pas seulement « d'admettre et d'apprendre à supporter la réalité telle qu'elle fut et telle qu'elle est, mais qui permet de la revoir telle qu'elle fut et telle qu'elle est, pour toute l'éternité, qui crie insatiablement "da capo" », en s'adressant non pas au lecteur, mais à la pièce et au spectacle de la vie tout entière,« et non pas seulement à un spectacle, mais au fond à celui qui a besoin de ce spectacle et le rend nécessaire ; ce spectacle qui ne cesse d'avoir besoin de soi et de se rendre nécessaire ». Un médiateur de l'« Amor Fati » en sorte.

Toutefois un très bon divertissement qui même sans 10 mérite son 9.
Knutcha
9
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le 21 juin 2011

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Knutcha

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