Le Parfum
7.8
Le Parfum

livre de Patrick Süskind (1985)

L'odorat est l'un des seuls sens qu'on ne peut contrôler, même de force. Se faire équivaudrait à cesser de respirer, donc à mourir. C'est ce qui en fait une faiblesse, une faille dans notre humanité, mais qui demeure, tout de même, souvent sous-estimée, voire oubliée. Dans ce roman, c'est le sujet principal, le héros, pourrait-on presque affirmer.

À la fermeture du livre, j'en restais incertain. Ce sentiment qu'il y a quelques choses qui transcendent les mots et les pages, une morale qui nous semble rapidement simple et vague nous apparaît, à force de questionnements, beaucoup plus intense qu'on se l'imaginait. Comment, Patrick Süskind, a-t-il réussi à bâtir autour du thème de l'odorat une histoire aussi philosophiquement prenante? Je l'ignore. Le fait est qu'après quelques minutes, voire quelques heures, j'en suis encore en pleine réflexion. En fin de compte, ce roman consiste en une introspection sur nos valeurs, sur notre compréhension du bien et du mal.

Jean-Baptiste Grenouille est un humain insolite, tout comme son nom d'ailleurs. Dès sa naissance, sa mère ayant tenté de l'assassiner aussitôt qu'il fut sorti de son antre, il est différent, étrange et mystérieux. Il deviendra, bien assez vite dans sa vie, un tueur en série. Son but est simple : capturer les odeurs de jeunes femmes, qui sont toutes en puberté et parmi les plus jolies, pour en faire un parfum parfait qui lui donnerait une puissance sur les gens. Lui, qui déteste les humains, qui est un mal-aimé, un rejet et qui désire se faire accepter.

Vous conviendrez que c'est là une histoire plus qu'originale. La dernière partie, qui m'a paru plus que surréaliste, m'a un peu déplu. Sans vouloir dévoiler des éléments qui pourront freiner votre lecture, il s'agit d'une explosion, autant émotive que sexuelle, qui m'a laissé un peu perplexe. C'est d'ailleurs le seul point négatif du bouquin, ces instants d'excès énormément trop intenses nous font décrocher de par le ridicule de la situation. Par moment, c'est un peu trop tiré par les cheveux. Süskind se rattrape merveilleusement bien grâce à l'épilogue qui, elle, nous laisse à réfléchir et pour longtemps.

Lorsque je lis, généralement, j'ai la note finale de mon appréciation bien ancrée, vers le dernier quart de l'oeuvre. À moins que les dernières phrases me marquent profondément, ce résultat tient habituellement la route. Pour celui-ci, je lui donnais un 7 jusqu'à arriver à cette finalité. Là, tout bascula. Il y a des excès, une certaine sexualité et violence présentée dans ce livre, mais nullement comparée à American Psycho. Sans aller dans la grossièreté ou dans les descriptions beaucoup trop imagées, l'auteur ici laisse au lecteur le loisir de se forger ses propres scènes, sans trépasser dans la limite du vulgaire. Parce qu'il réussit ce tour de force et grâce à une finalité qui nous tombe dessus comme une brique, j'émets un : « Chapeau! » bien senti.

D'un 7, il obtient finalement un 9 sur 10. Ce n'est pas peu dire, car je ne permets que très peu de place à ce haut du palier dans mes classements. Ce n'est pas tant pour l'écriture, mais surtout pour le message qui s'y dégage et l'intensité de la réflexion qu'il procure.

C'est un livre que je vous conseille fortement de lire. Vous en serez des heures à méditer.
jwpack
9
Écrit par

Créée

le 28 juil. 2011

Critique lue 1.3K fois

Serge Leonard

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