1959, Teiko Itane, jolie japonaise de 26 ans, accepte d’épouser Kenichi Uhara, 36 ans. Il s’agit d’un mariage arrangé par un ami du père décédé de Teiko. Pour la jeune femme, cette proposition arrive à point nommé, car à force de refuser tous les partis qui se sont présentés – en faisant la timide et la difficile - elle risquait déjà de finir vieille fille. Or, Kenichi présente bien, il affiche une bonne éducation et son avenir est assuré dans une société solide. En province (ville côtière de Kanazawa, à un peu plus de 200 km à l’ouest de Tokyo), il dirige une agence publicitaire. La direction lui destine un poste à Tokyo dans un avenir proche.


Une disparition inattendue


Une fois le mariage arrangé, tout va relativement vite. Le couple habitera Tokyo. En attendant, Kenichi fait un voyage à Kanazawa pour régler ses affaires là-bas. Il part pour quelques jours. Pendant ce temps, Teiko organise leur appartement. Situation banale à première vue. Sauf que Kenichi ne réapparait pas. Bien entendu, Teiko ne comprend absolument pas ce qui se passe. Surtout, elle ne voit pas comment aider la société qui emploie Kenichi, pas plus que sa famille. Elle ne connaît son mari que depuis peu et elle ne connait quasiment rien de ses goûts et habitudes, encore moins de ses relations ou bien de son passé. Elle ne peut que se raccrocher au souvenir de leur court voyage de noces. Elle avait suggéré d’aller vers Kanazawa pour se faire une idée de l’endroit où son mari avait vécu pendant quelques années. Mais celui-ci avait envie de se changer les idées. Teiko se rappelle ses propres réflexions par rapport à leur différence d’âge. Elle considérait que Kennichi avait forcément un passé amoureux et cela lui inspirait un certain respect, surtout que Kenichi avait manifesté son attirance pour elle de façon certes un peu maladroite, mais sans ambigüité.


À Kanazawa


Rongée d’inquiétude, Teiko revient sur les traces de Kenichi pour tenter de le retrouver et de comprendre ce qu’il s’est passé. Ses pas la mènent à Kanazawa, mais aussi dans la famille de Kenichi. À Kanazawa, guidée par Honda de l’agence que dirigeait Kenichi, elle réalise qu’il y a eu une certaine confusion dans les faits et gestes de Kenichi. Au moment où il devait retourner vers Tokyo, il a semble-t-il fait un détour pour des raisons personnelles. Mais personne n’est en mesure d’avancer de quoi il pouvait bien retourner.


Teiko finit également par nouer des relations plus étroites avec sa belle-famille qui manifeste son incompréhension. C’est Sôtarô, le frère de Kenichi, qui vient lui aussi à Kanazawa mener ses investigations. Réalisant qu’il va dans des boutiques pour poser certaines questions, Teiko croit comprendre que Sôtarô a une idée précise de ce qu’il cherche, comme s’il partageait un secret de Kenichi. La vérité n’émergera qu’à la suite d’un enchaînement de circonstances dont Teiko ne mesure pas immédiatement l’importance. Dans un restaurant, Honda et Teiko font la connaissance d’un client de Kenichi qui les invite dans son entreprise puis chez lui. À cette occasion, Teiko observe une jeune femme dont le comportement l’interpelle.


Le point zéro


C’est en observant par hasard un débat télévisé que Teiko réalisera un point fondamental lui permettant d’orienter ses recherches de façon décisive. En effet, un des participants au débat évoque ce point zéro souligné par le titre. Il se rapporte à cette période de l’immédiat après-guerre où le Japon occupé par les américains souffrait d’une sorte d’atonie due au choc causé par la bombe atomique. Les hommes se comportaient comme s’ils avaient perdu toute dignité et une catégorie de femmes désignées comme les pan-pan (ne pas y voir une référence à l’univers Disney), flirtaient avec les GI’s qui se montraient assez gentils et respectueux avec elles, même s’il s’agissait de prostitution. Ces femmes arboraient des vêtements à l’occidentale de couleurs vives. L’illustration de couverture est donc plutôt bien choisie. À noter que ce roman ne se contente pas de proposer une énigme policière de qualité. Ici, l'auteur donne à sentir l’atmosphère de la période (l’aspect social du roman apporte beaucoup plus que ce qu’on imagine au début). On l’a qualifié de Simenon japonais – pour le mettre dans une case – à cause de son impressionnante production (en quantité) dans le domaine de la littérature policière. Son style, personnel, s’exprime en particulier dans la façon dont Teiko progresse dans son enquête. Elle remonte un écheveau, emmagasine des informations et se les répète régulièrement pour faire le point. Des événements dramatiques émaillent son enquête. Et donc, il lui faut intégrer quelques maigres indices (deux photos d’habitations, par exemple) et des impressions pour enfin aller dans la bonne direction.


Matsumoto et le Japon


Un roman typique du talent de Seichô Matsumoto, prolifique auteur japonais qui soigne son intrigue centrée sur une jeune femme désemparée par la disparition de son mari qu’elle connaissait à peine. Si ses investigations lui permettent finalement de comprendre ce qu’il s’est passé, elles donnent à sentir l’atmosphère bien particulière du Japon dans l’immédiat après-guerre, en gros de 1945 (6 août, bombardement d’Hiroshima) et la capitulation japonaise jusque 1959 date de publication originale du roman.


Critique parue initialement sur LeMagduciné

Electron
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le 16 juin 2020

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