Le Rire
7.4
Le Rire

livre de Henri Bergson (1900)

Synthèse analytique du Rire de Bergson

Avant-propos : ce texte est un résumé incomplet et pas très académique de l'essai de Henri Bergson. Je le fais en premier lieu pour moi-même, en espérant qu'il puisse servir à d'autres. Mes connaissances du domaine philosophique en général et de l’œuvre de Bergson en particulier étant ce qu'elles sont, une critique éclairée est hors de ma portée. J'essaierai donc ici de donner un simple aperçu de cet ouvrage, et peut-être me permettrai-je une ou deux humbles remarques.


Bergson, dans une sorte de démarche apparentée à la psychologie évolutionniste, part du principe qu'il doit exister une fonction sociale au rire (comprendre : à l'effet comique) et s'attache donc à la trouver. Pour ce faire, trois observations préliminaires sont faites :
1) Le comique est fermement attaché à l'humain : on ne rit que de l'Homme.
2) Le rire nécessite de faire taire l'émotionnel : une insensibilité au moins temporaire est requise.
3) Le rire a besoin d'un écho : c'est un geste intrinsèquement social.


L'idée développée tout au long de l'étude est la notion fondamentale de raideur mécanique, de manque de souplesse, ou encore d'élan imprimé, qui caractérise le comique selon Bergson. Cette idée est déclinée pour toutes les formes de comique, ainsi la raideur physique (le gag), celle de l'esprit (l'idée fixe) ou encore du caractère (le vice).


Bergson prend alors pour premier exemple ce qu'il appelle le "comique des formes", et se pose ainsi la question de savoir pourquoi certaines particularités physiques prêtent à rire tandis que d'autres non. Il énonce la loi suivante : "Peut devenir comique toute difformité qu'une personne bien conformée arriverait à contrefaire", c'est-à-dire qui donne l'impression d'une raideur, d'une obstination physique volontaire. D'où la loi plus générale : "L'effet est d'autant plus comique que nous en expliquons plus naturellement la cause", c'est-à-dire que l'effet comique est augmenté si l'on peut le rattacher à une distraction fondamentale de la personne. Cela donne également lieu à une définition en creux : le contraire du comique est la grâce. Bergson développe l'idée de la lutte de l'âme (vive, en éveil) contre la matière (qui est caractérisée par une raideur, une gravité) pour façonner le corps.


Un autre cas étudié est celui du "comique des gestes", avec la loi suivante : "Est comique tout mouvement qui nous fait penser que le corps est une simple mécanique." Un exemple évident en est la répétition de mouvements lors d'un discours public (on pense par exemple à Nicolas Sarkozy dont les mouvements parasites ont maintes fois été parodiés).


Plutôt que de continuer à évoquer un par un les différents types de comiques, Bergson s'essaye ensuite à dégager des voies globales de spécialisation à partir de l'idée "du mécanique plaqué sur du vivant". Il en trouve trois :
1) Le déguisement : de la nature (ex : mise en scène), de la société (ex : cérémonies), des deux combinés.
2) La superposition du corps sur l'âme : "Est comique tout incident qui appelle notre attention sur le physique d'une personne alors que le moral est en cause."
3) La chosification : "nous rions toutes les fois qu'une personne nous donne l'impression d'une chose" (la chose en question pouvant être un objet, mais aussi une fonction, etc.)


Dans un second chapitre, Bergson revient sur les différents types de comique.


Le comique de situation
"Est comique tout arrangement d'actes et d'évènements qui nous donne, insérées l'une dans l'autre, l'illusion de la vie et la sensation d'un agencement mécanique." Cette règle se décline en trois procédés comiques :
1) La répétition : il est bien connu que la répétition est un procédé humoristique, cependant elle ne se suffit pas à elle-même en tant que tel. L'image du "diable à ressort" aide à comprendre l'origine du comique : il faut qu'il y ait deux forces en présence qui s'opposent, l'une à caractère mécanique (comme un réflexe, par exemple), l'autre réfléchie. La boucle infinie résultante provoque le rire et c'est en cela que la répétition est comique.
2) L'inversion : l'arroseur arrosé entre autres.
3) L'interférence des séries : "Une situation est comique quand elle appartient en même temps à deux séries d'évènements absolument indépendantes, et qu'elle peut s'interpréter à la fois dans deux sens tout différents." Un exemple typique en est le quiproquo.


Le comique de mots
Faire une catégorie à part pour le comique de mots n'a rien d'artificiel : il faut bien distinguer le comique que le langage exprime de celui que le langage crée. Ce dernier est en fait, pour emprunter un vocabulaire géométrique, la projection du comique sur le plan des mots.
D'où la raideur syntaxique : "On obtiendra un mot comique en insérant une idée absurde dans un moule de phrase consacré".
D'où aussi l'idée, de nouveau, de rire du "physique" alors que le "moral" est en cause : il suffit d'interpréter "physique" comme sens propre et "moral" comme sens figuré.
Et cætera. On retrouve notamment les trois procédés énoncés plus haut : l'inversion ; l'interférence (calembours : le jeu de mot traduit une distraction du langage, un laisser-aller) ; et transposition (équivalent de la répétition pour le langage) : d'un registre de langage à l'autre par exemple, ou encore de la réalité à ce qu'elle devrait être (ironie) ou vice-versa (humour). Globalement, "On obtiendra un effet comique en transposant l'expression naturelle d'une idée dans un autre ton".


Le comique de caractère
Bersgon insiste sur l'importance supérieure de cette partie. Nous avons vu que le comique ne provient pas tant d'un défaut que d'une raideur : une qualité inflexible sera plus risible qu'un vice souple. Ce qui compte est l'insociabilité du caractère, c'est une condition essentielle. Nous avons également vu que pour obtenir le comique, il faut supprimer l'émotion. Pour ce faire, il existe deux procédés théâtraux : isoler le trait de caractère pour le douer d'une existence indépendante ; et attirer l'attention sur les gestes (attitudes, mouvements, discours) plutôt que les actes.
Bon, ensuite, Bergson s'égare dans des réflexions sur l'Art, la Comédie, la Tragédie et la Vie qui en plus de s'éloigner du sujet, ne m'ont pas passionné. Il atterrit cependant sur une tentative de recréer le caractère comique ultime, le plus pur, d'après ses analyses. Se dégage alors enfin la vérité sur l'objet du comique : la Vanité. A la fois superficiel et profond, ce défaut est le père de tous les autres, et le plus naturel (bien qu'acquis). "Le remède spécifique de la vanité est le rire, et le défaut essentiellement risible est la vanité."


Pour conclure, "Le rire est, avant tout, une correction. [...] Le rire exerce une fonction utile. [...] Il châtie certains défauts comme la maladie châtie certains excès, frappant des innocents, épargnant des coupables, visant à un résultat général. [...] En ce sens, le rire ne peut pas être absolument juste."


FIN


PS : J'ai mis 8 car il faut bien mettre une note, mais jamais chiffre n'aura été aussi peu signifiant.

pHneutre
8
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le 25 janv. 2015

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pHneutre

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