C'était il y a une dizaine d'années environ, le roman de Martin a rapidement acquis une petite réputation dans le milieu. Pourtant l'adolescent que j'étais à l'époque ne concevais pas que l'on puisse faire mieux que Tolkien dans le genre médiéval-fantastique. Je n'ai donc pas lu Martin...

... jusqu'à quelques mois avant l'arrivée de la série. Les premiers visuels que j'ai vu sur le net m'ont littéralement saisi et je me suis alors plongé dans le roman...

... et m'en voulais pour le coup de ne pas l'avoir fait plus tôt car on tient vraiment là ce qui se fait de mieux dans le genre.

Avant tout, Martin s'abstint d'accoucher d'un énième copier/coller Tolkien et nous propulse dans un univers médiéval sombre et réaliste avec seulement une pointe de fantastique. Exit le déballage excessif et jusqu'à l'écœurement de magiciens, trolls, elfes et dragons (quoique) et traite, au contraire, l'élément fantastique avec brio. Trop de fantastique tue le fantastique et ici les rares éléments du genre sont introduit dans un cadre réaliste, ce qui fait que le fantastique devient vraiment tel quand il apparaît enfin...

Ensuite, Martin reprend les grandes caractéristiques et intérêts de l'époque médiévale où le coté propret, virginal et quelque peu naïf d'un Tolkien est vraiment passé aux oubliettes. Dans le Trône de Fer, il y a du sexe et du sang et Martin nous désenchante un genre qui avait jusqu'ici tendance à faire le contraire quand il ne nous resservait pas de surcroît les sempiternels archétypes des contes chevaleresques. Justement, Martin s'amuse à reprendre ces archétypes maintes fois ressassés pour mieux les démolir (Jaime Lannister ou Joffrey Baratheon par exemple) et du point de vue de la désillusion, les chapitres de Sansa sont particulièrement explicites. Désillusion et disparition précaire de l'enfance sont des thèmes majeurs du roman où l'individu passe brutalement de l'enfance à l'âge adulte.

Autre poncif, lui aussi indécrottable du genre et que le roman rejette: le manichéisme. Les personnages, même secondaires, bénéficient d'une grande profondeur psychologique et de motivations autrement plus nuancées que faire le Bien ou le Mal et à chaque chapitre, l'histoire est perçue du point de vue d'un personnage principal différent, parfois adversaire du précédent (Catelyn et Tyrion par exemple). A notre grande surprise, on va même s'attacher aux personnages les plus vils (j'adore Littlefinger) dès que l'on comprend ce qu'il les fait agir.
Ici, le thème central du roman est le pouvoir (dont le Trône de Fer en est la représentation suprême) et surtout la manière de s'en servir ou de graviter autour. De plus, Martin nous épargne toute morale ou fin consensuelle et dans ce jeu de pervers on peut payer très cher sa rectitude morale et ses bons sentiments (Daenerys perdra sa "moitié" et Ned Stark "une autre" à cause de la pitié et de la loyauté). Je ne saurais conseiller de meilleur ouvrage avec Le Prince de Machiavel et L'Art de la guerre de Sun Tzu, à celui qui voudrait se lancer en politique...

Du point de vue de la narration, Martin prouve aussi qu'il est un grand romancier en faisant monter doucement la sauce avec une première partie certes un peu longuette mais qui permet de nous attacher aux personnages avant de prendre le lecteur à contre-pied avec une montée en puissance insoutenable jusqu'à faire l'impensable ! Le découpage des chapitres qui correspond au point de vue d'un personnage fait que l'évolution de l'histoire est perçue différemment à chaque fois et on se retrouve d'autant plus touché par les enjeux que bouleversé par le sort des personnages.

Enfin, un petit mot sur la série : l'adaptation est absolument magnifique et la première saison est vraiment très fidèle à ce premier tome. Néanmoins, je trouve le livre un poil meilleur car on comprend un peu mieux tous les enjeux à l'échelle du royaume. Par exemple, j'aurais rajouté un prologue mythologique où l'on décrive l'ancienne dynastie des Targaryen et leur renversement (certes les bonus DVD s'en charge plutôt bien). Autre chose, le ravage du Conflans par Gregor la Montagne : ce passage devait initialement ouvrir l'épisode 6 mais fut abandonné. Dans le premier tome, comme dans la série, il est pourtant rapporté par un paysan mais je pense qu'il aurait fallu le visualiser car c'est assez fort dramatiquement (Gregor fait une sorte de version moyenâgeuse d'Oradour-sur-Glane). Sinon la bataille du Bois-aux-Murmures (celle où Jaime est capturé) est aussi vite expédié (par manque de moyens, certes).

Je n'ai pas été tendre avec Tolkien dans ma critique pourtant je l'adore mais c'est pour bien montrer que Martin est très différent et non moins excellent que le maître que l'on pensait intouchable et compte désormais comme l'un de mes auteurs favoris. Pour le fan de médiéval-fantastique que je suis, son univers est aussi riche que la Terre du Milieu. Maintenant il lui reste à terminer une saga qui commence à s'éterniser un peu (5ème volume déjà et encore 2 tomes de 1000 pages à écrire) avant que la série télévisée ne le rattrape. J'aurai d'ailleurs à redire sur la saison 2 par rapport au deuxième tome...
Altharil
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le 25 mai 2012

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