Le consul
7.2
Le consul

livre de Salim Bachi ()

« J’ai désobéi devant Dieu et les hommes et je ne sais lequel de ces péchés a été le plus lourd à porter, pourtant tous deux ont été commis par amour. » Ainsi commence le livre de Salmi Bachi.
Aristides de Sousa Mendes, ancien consul du Portugal à Bordeaux pendant la débâcle est sur son lit de souffrance et de mort. Andrée, sa seconde femme, son péché envers les hommes, est à son chevet. Il se souvient.

Noble portugais, ayant toujours refusé la chute de la monarchie, c’est un homme de son temps, catholique, croyant, pratiquant, avec femme et 14 enfants, la pilule n’existait pas et nous sommes dans un pays catholique de chez catholique. Il suit la carrière diplomatique pour faire comme son frère jumeau, mais sans son aura.

Que se passa t-il à Bordeaux pendant ces 3 jours de juin, du 14 au 17, où le Consul s’enferme dans sa chambre dans le noir absolu, l’isolement le plus complet ? « Je dormis trois longues journées et trois longues nuits dans mon appartement bordelais pendant que les armées du Démon enfonçaient les lignes françaises, transperçaient t le pays de part en part, violaient Paris. » Quelles furent ses réflexions, ses peurs, ses hurlements, ses croyances, ses pensées ? Est-ce le remord de voir sa maîtresse enceinte de ses œuvres ? Est-ce sa haine de Salazar ? Est-ce sa foi chrétienne ? Je ne sais, mais un matin, il se leva et « Je n’étais plus le même homme. J’étais mort pendant cette nuit ». Cet homme dans la plénitude de l’âge, un peu médiocre, il faut bien le reconnaître, a décidé d’obéir à la loi de dieu plutôt qu’à celle des hommes.
« Je ne laisserais pas mourir ces femmes et ces hommes qui étaient venus à moi à travers les épreuves et la mort, ces enfants qui avaient traversé l’enfer pour me trouver, je ne devais pas les abandonner, et puisqu’il était en mon pouvoir de consul général du Portugal de les aider, je devais le faire en mon âme et conscience de chrétien qui se devait de porter secours à d’autres êtres humains dans l’affliction et la peine… ». Refusant d’appliquer la circulaire du 14 janvier qui interdit de délivrer des visas aux juifs et autres errants, il signe à tour de bras, tamponne visas, cartes d’identité, voire feuilles volantes lorsque les pauvres hères ont tout perdu.

Consul sous Salazar qu’il exècre, le Portugal, neutre, n’a de cesse de faire des courbettes devant l’Espagne et l’Allemagne pour ne pas que soit brisé leur accord de neutralité. Pourtant, après la victoire des alliés, ce même Salazar, s’attribue les mérites de la désobéissance du Consul et l’arrivée en masse de réfugiés dans son pays avant leurs départs pour un ailleurs meilleur. Aristides de Sousa Mendes ne tire, quant à lui, que brimades, souffrances de cet acte plus que courageux. Salazar ne reviendra jamais sur sa décision de destituer le consul de toutes ses fonctions. Sans argent, il va même manger à la soupe populaire !

Bien que fervent admirateur de saint François d’Assise, Aristides de Sousa Mendes, consul du Portugal à Bordeaux n’en a pas suivi un des préceptes écrit en préface de ce livre : « L’homme obéissant doit être comme un cadavre qui se laisse mettre n’importe où, sans protester ». Heureusement pour les dizaines de milliers de personnes qu’il a sauvées des camps de la mort ou d’une exécution pendant la seconde guerre mondiale. Cet homme finit pauvre, miséreux, oublié de tous dans un monastère, vêtu de bure comme son modèle.

Le livre de Salim Bachi rend un fervent hommage à Aristides de Sousa Mendes. Merci à lui de me faire découvrir cet homme qui « perméable à toute la souffrance du monde » a agi, peut-être en bon catholique qu’il était mais, surtout en Juste (bien que le mot n’existât pas encore pour désigner ces actes de résistance). Un Juste parmi les Justes.

Un livre que j’ai lu d’une seule traite. L’écriture nerveuse de Salim Bachi , amplifiée par l’utilisation du je au lieu d’une narration simple, rend palpable la frénésie de l’urgence.
zazy
9
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le 20 mars 2015

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zazy

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