Dam DeCaro est un adolescent de presque 16 ans aux prises avec la difficulté de vivre cet âge des possibles, ou plutôt des impossibles futurs.


Jeune au corps de "frite molle", il est solitaire. Seul parce qu'effacé, seul parce qu'aussi trop intelligent. A travers ses confidences offertes à une oreille attentive (le lecteur est tutoyé) nous avons accès à sa souffrance. " Il y a le ciel au dessus de moi, mais je ne le vois pas. Moi j'ai toujours vu que ce qui est sombre, ce qui est noir et effrayant, les monstres sous le lit, les fantômes dans le placard, la mort à l'angle de la rue."
Oui les thèmes sont violents et ardents: l'homosexualité, la scarification, le piercing, la violence extrême. Mais il n'y a pas là d'accumulation sordide mais bien une finesse des propos.
Dam (Damien) est un adolescent mal aimé à la recherche d'attention. Les autres ne semblent pas les plus méchants, même si les signes de coup sont visibles. C'est bien dans le cercle familial que le pire peut exister.
La famille se replie dans un autoritarisme et un étiquetage de l'adolescent sans prendre la peine de communiquer. Ils se fient aux indices vestimentaires, scolaires et conventionnels. Tout serait une affaire de crise d'adolescence, cela lui passera. Mais ils passent à côté de lui.


Le jeune homme comprend tout toujours plus vite que les autres: "Tu finis par te retrouver loin devant, et loin devant c'est pareil,que loin derrière, t'es tout seul, avec la différence que loin devant, les gens sont jaloux et curieux à la fois. Et cruels." Il cogite et bouillonne de sentiments non exprimés. Ses actes sont signe de négligence affective.
Le malaise pousse aux questionnements et aux passages à l'acte. Et les solutions paraissent fermées pour un adolescent, pas encore adulte, pas encore libre d'être juste lui-même. La révolte, l'agressivité, le repli sur soi, le choix d'appartenir à un groupe différent, le suicide ou la résignation. Dam choisit la passivité à l'extérieure et la furie maîtrisée seul, la scarification, comme marque sur soi, contrôle de sa douleur. Contrôle aussi des pressions internes: avec le sang s'écoule les tensions avant explosion.
L'homosexualité est au cœur du propos aussi. L'acte mais surtout ce qu'il implique: cet amour d'un être avant d'être celui d'un sexe. C'est aussi le regard d'autrui: l'homosexualité comme une sensibilité particulière, provoquant presque un respect de la différence, des attentions et des précautions pour des personnes extérieures et habituées aux enfants (enseignants et médecins) et une peur, une intolérance et une colère dans le cercle familial.
L'absence de communication inter-générationnelle couplée à cette découverte d'un autre rapport aux autres, à soi et à ses sentiments, de ce rapport de soutien et de prise de position de la mère de son ami, amène Dam dans ses retranchements. Laisser libre la parole et les sentiments ou se canaliser et pleurer. "Des fois j'étais mal à en crever, sans raison, mais j'avais pas envie que ça s'arrête, comment t'expliques ça? Si ça s'arrêtait, c'était le vide, et le vide ça me foutait la trouille pire que tout. J'attendais de cumuler pour que je finisse par pleurer (en cachette, j'avais compris) et que ça me soulage un peu. C'était comme si pleurer ça me consolait."
Il est à bout, peu de personne l'écoute. "Je ne me sens pas capable d'assumer la vie."


L'histoire a deux fins, cela pourrait déstabiliser mais l'idée est belle. Loin de proposer un happy end et une fin brutale c'est surtout le moment où tout diffère qui est intéressant: comme quoi le pire effectué, ce n'est peut-être justement pas le pire.

Vef
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Coups de coeur romans ado

Créée

le 30 mai 2018

Critique lue 174 fois

Vef

Écrit par

Critique lue 174 fois

D'autres avis sur Le faire ou mourir

Le faire ou mourir
jerome60
5

Critique de Le faire ou mourir par jerome60

Le jour où Dam, seize ans, se fait malmener par une bande de skateurs, Samy s’interpose et lui sauve la mise. Une première rencontre qui va bouleverser son existence. Avec Samy et ses ami(e)s...

le 19 août 2014

6 j'aime

1

Le faire ou mourir
Thebookeater
10

Waouh.

Le choc. Ce livre est tellement émouvant que je ne trouve pas les mots pour le décrire. J'ai pleuré durant tout le roman, je l'ai lu un soir, j'étais fatiguée mais je ne pouvais pas m'endormir avant...

le 17 févr. 2014

1 j'aime

Du même critique

Pilules bleues
Vef
10

L'histoire autobiographique d'un amour naissant avec l'ombre pesante des pilules bleues

Une bande dessinée comme une confession. Un pendant de vie croqué pour l'auteur lui-même presque plus que pour les lecteurs. Et puis non, il y a aussi ce magnifique message qui nous atteint. Le...

Par

le 1 mai 2016

8 j'aime

Héraklès, tome 3
Vef
9

Critique sur les trois tomes

"Herakles" d’Édouard COUR est une bande-dessinée pour adolescents et adultes. Nous pourrions nous dire que l'intérêt est limité s'il s'agit juste de l'accumulation des douze travaux. Mais quelle...

Par

le 1 mai 2016

5 j'aime

Morgane
Vef
9

Les légendes arthuriennes désinhibées et pleines de bassesses

Morgane est la fille du roi de Tintagel. Née du désir de ses parents et de la magie de Merlin pour donner un héritier au trône, elle est promis à un brillant avenir. Pourtant d'autres veulent le...

Par

le 18 juin 2016

4 j'aime