Le général de Gaulle parlait à l'histoire et l'histoire lui parlait. A l'exception de l'ovation parisienne en 1944, et pendant 14 ans (1958) jamais il ne rencontra le peuple français. Ce "peuple des profondeurs" sur lequel il régna pleinement une dizaine d'années, jusqu'en 1969.

Jean Touchard trace le parcours extraordinaire de ce grand homme à travers différentes chroniques divisant le gaullisme en trois grandes périodes : pré -gaullisme (avant 1940), gaullisme insurrectionnel (1940-1945), gaullisme de gouvernement (1946-1969). Cette dernière catégorie se divise elle-même entre IVeme (avant 1958 où le gaullisme pèse en réalité 3.7% en 1957) et Veme République, Charles de Gaulle ayant traversé le désert entre les deux époques, le début de la guerre d'indépendance de l'Algérie étant la date fatidique-charnière, qui marqua l'opinion et décida du destin de la France pour le demi-siècle suivant.

Fort de sa notoriété acquise pour être le leader de la "France libre", avec la Vème République, de Gaulle tira la République vers la monarchie (mépris du parlementarisme, exécutif prépondérant), il haïssait la cause des partis et méprisait les partisans, leur féodalité. Il a placé l'unité nationale au-dessus de toutes les valeurs. Mais son réalisme ne l'empêcha pas de se leurrer sur le rôle de l'Allemagne, qu'il reprenait à Bainville, issu de l'Action française, dans son Histoire de France, et qui consistait à dire que les deux puissances continentales était la France et la Russie, d'où la nécessité de s'entendre avec les Russes, afin de morceler l'Allemagne en des Allemagnes, prises en étau entre les deux puissances globales, aujourd'hui ce sont l'Allemagne et la Russie, et un peu Londres. Heureusement une fois l'Allemagne sous Adenauer, de Gaulle tempèrera son jugement. Par anti-américanisme (il ne pardonnera pas son absence à Yalta), la chute de l'URSS marqua aussi le sort du gaullisme, les USA perdant deux rivaux à la place d'un (la France et la Russie). "La France est morte" écrivait-il dès 1952. Mais le personnage est complexe. Il accepte le plan Marshall (fric US) et le pacte atlantique avant de se retirer de l'Otan et de virer les bases américaines.

De Gaulle a écrit dans ses mémoires qu'il voulait devenir quelqu'un, et la guerre lui a donné l'occasion de devenir quelqu'un. Un constat se fait jour. De Gaulle est l'histoire d'un échec fructueux à la vieille école française. Celui d'un homme qui rêvait debout. Peut-être le dernier grand échec francais. Après lui, la France n'existe plus.

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le 1 avr. 2024

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