Epopée mythologique au XXe siècle
Ved Vyas est un vieux briscard de la politique et proche des puissants ayant forgé l’indépendance de l’Inde. Au crépuscule de sa très longue vie il dicte le récit de sa vie et de la naissance de l’Inde moderne. Mais sous un angle nouveau mêlant faits historiques (mais travestis), symboles mythologique et aventures en un récit comme seule pouvait le créer l’Inde multimillénaire.
Extraits
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« Je leur dit que si seulement ils lisaient le Mahabharata et le Ramayana, s’ils étudiaient l’âge d’or des Mauryas et des Guptas, ou même de ces musulmans-là, les Moghols, ils se rendraient comptent que l’Inde n’est pas un pays sous-développé, mais au contraire une nation hautement développée dans un état de décadence avancée. »
« Oui, oui, note-moi tout ça. Chaque mot que je prononce. Nous ne sommes pas ici en train de pondre un banal roman policier à l’occidentale. Ceci est mon histoire, l’histoire de Ved Vyas, quatre-vingt-huit printemps et plein d’inconséquence, mais elle pourrait bien devenir rien de moins que Le Grand Roman Indian »
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Oui, vous avez bien lu, ce vieux hibou n'écrit pas mais dicte à un scribe du nom de Ganapathi, l’apostrophant, le riant ou lui donnant la leçon à longueur de temps. Et c’est très bien vu car outre le fait d’amener de l’humour (mordant) et des pauses salutaires dans ce récit dense et tragique, il donne aussi des explications nécessaires au lecteur à travers toutes les a parte au bien trop moderne Ganapathi (du moins de l’avis du conteur).
Et le tout fonctionne plutôt pas mal. Une fois accepté cette invitation étrange on se retrouve littéralement plongé le terreau de l’Inde. Rien n’est épargné par l’ancien politicien qui se fera tantôt nostalgique sans être jamais réactionnaire, tantôt mordant sans être blessant, et puis parfois un brin mythomane sans jamais s’éloigner tout à fait de l’histoire. Il nous offre rien de moins qu’un récit myhtologique moderne en repassant des faits sous la loupe des symboles et des croyances profondément ancrés dans la société indienne (toujours multiple et facétieuse mais pleine de vigueur et de sens cachés, demi-cachés, faussement dévoilés…) Et si Vyas se fait parfois sentencieux, on lui pardonne au vu de son grand âge et du piquant de ses déclarations.
Extraits
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(un journaliste)… me demanda, faisant allusion à la grande bataille du Mahabharata : « Ne pensez-vous pas que cette élection est un Kurukshetra contemporain ? » J’explosai :
« J’espère bien que non, aboyai-je, parce qu’il n’y a pas eu de vainqueurs à Kurukshetra. Sauf dans les puériles versions populaires de l’épopée. L’histoire du Mahabharata, jeune homme, ne se termine pas sur le champ de bataille. Viennent ensuite tragédie, souffrance, futilité, mort. Ce qui souligne la seule morale de cette bataille et de cette épopée : il n’y a pas de vrais vainqueurs. Tout le monde est perdant au bout du compte. »
« Tout le monde participa : il y eut peu d’abstentionnistes. Seuls les bureaucrates hésitèrent. Ce qui était bien dans le droit-fil des choses. La bureaucratie est, Ganapathi, simultanément la plus paralysante des maladies indiennes et la plus haute forme des arts indiens. Aucun autre pays n’a élevé à un tel pinacle de raffinement la quintuplication des procédures et le lent cheminement des retards. C’est presque une déclaration philosophique au sujet de la société indienne : chaque chose a sa place, prend son temps et doit subir le processus rituel du passage par un certain nombre de mains, chacune ayant une fonction allouée à remplir dans cette chaine sans fin. »
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Lisez ! Lisez pour comprendre un peu de l’Inde à travers son histoire récente et ses symboles millénaires. Lisez aussi pour vivre au côté de tous ces héros leur vie avec leur lot de tragédies et de moments enivrants. Lisez pour rire et pour pleurer, car ce n’est rien de moins que toute l’Inde qui est offerte dans ce roman, jusqu’à la forme de ce récit, entièrement dévoué à son auditoire (vu qu’il est dicté, hein…).
Lisez aussi simplement pour le plaisir d'un bon récit, très bien écrit et très bien mené. Il y aura peut-être bien un sentiment de quelque longueur, parfois, et le ton un brin sentencieux, parfois aussi, mais toujours impertinent, du vieux Vyas mais quelle belle lecture, et quel beau final.
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