Il y a des livres qui nous arrivent par des chemins détournés. C'est dans une bouquinerie de Saint-Brieuc, ville où je n'avais encore jamais mis les pieds, que j'ai découvert ce roman qui m'était jusque-là totalement inconnu. J'ai été tellement surpris en voyant le nom de l'auteur que j'ai fait une recherche internet avant de l'acheter, afin de m'assurer qu'il ne s'agissait pas d'un pseudonyme. Ray Manzarek en effet, était le claviériste du groupe The Doors, dont j'ai été un fan absolu au lycée et qui reste probablement mon préféré. De plus, j'ai toujours eu une forme de sympathie pour ce membre du quatuor. En effet, j'ai été fasciné comme beaucoup par le charisme et la poésie sombre du chanteur Jim Morrison, dont j'ai d'ailleurs lu une biographie. Plus renseigné que la plupart des gens, j'ai néanmoins conscience de l'importance sous-estimée de Ray Manzarek, souvent resté dans l'ombre de son ami, dans la créations de chefs-d’œuvre musicaux qui furent des tubes à l'époque et qui restent des classiques aujourd'hui. En effet, que serait le fameux titre Riders on the storm, sans le phrasé jazzy du clavier, dont le seul accompagnement est le bruit de l'orage sur une partie du morceau ?
L'auteur, dans ce roman où les changements de noms transparents (Roy pour Ray, Le poète pour Jim Morrison...) n'empêchent aucunement l'identification des personnes, reprend à son compte la légende urbaine selon laquelle la mort du chanteur serait une mise en scène. En effet, alors qu'il admet ne s'être jamais remis complètement de ce drame, l'alter-ego de Ray Manzarek reçoit une carte postale des Seychelles recouverte de l'écriture de son ami, supposément mort une vingtaine d'année auparavant. Décidé d'en avoir le cœur net, il prend le premier avion pour se rendre sur place... Là où le livre est touchant, c'est qu'il s'agit d'une sorte de fantasme de la survivance d'un proche dont le deuil n'a jamais pu être fait. On comprend au fur et à mesure de la lecture les ravages provoqués par l'alcoolisme du « Poète », mais les regrets et la peine sont peu à peu transformés en un sentiment plus pacifique grâce au récit de sa rédemption. La plume de Manzarek est par ailleurs à la fois fluide et savante, ce qui facilite la lecture. Il est dommage que le récit traîne en longueur, car un grand musicien n'est pas forcément un grand écrivain et le blâme est peut-être à mettre sur l'éditeur originel. L'ouvrage aurait pu être un petit bijou si au lieu d'allonger la sauce, il avait fait une centaine de pages en moins.