Le Premier Sexe
4.8
Le Premier Sexe

livre de Eric Zemmour (2006)

Le féminisme comme cause de tous les maux.

Contrairement à beaucoup, je n'ai jamais eu d'animosité à l'égard de Zemmour, malgré certains contre-sens et une obsession à l'encontre de l'Islam depuis quelques années, j'apprécie certaines de ses analyses sur la situation politique, qu'elle soit nationale ou internationale. En dépit des nombreuses bêtises qu'il lui arrive de prononcer, j'aime avant tout sa façon d'appréhender les idées et plus précisément la politique sous un angle décalé, inhabituel.


Et tandis que le féminisme, ou devrais-je dire les féminismes tant ils sont divers, mais plus largement les "gender studies" s'imposent comme essentielles en sciences sociales et s'introduisent insidieusement dans le débat publique, il me semblait intéressant de lire à propos, un dissident, un de ceux qui pensent à contre-courant.


Et je me dois de dire que les ilots de pertinence sont rares dans cet océan de raisonnements fallacieux. Zemmour creuse, il rumine contre ce féminisme, cette dé-virilisation. Alors quand-on peste et que l'on s'efforce d'argumenter -plus ou moins- on trouve, et les exemples sont variés, allant de la loi sur la parité à une analyse très peu convaincante du mannequinat jusqu'à passer au capitalisme dans une dernière partie, surement la plus intéressante au demeurant. Mais celui-ci n'arrive pas à convaincre tant certains de ses conclusions sont capillotractées, comme lorsqu'il dénonce la féminisation du langage politique parce qu'Hollande compare la mélancolie de sa fin de campagne au désarroi des femmes qui viennent d'accoucher et mettent un terme à 9 mois de grossesse.


Voici ce que dit Zemmour du mannequinat :



Ce sont leurs fantasmes que les créateurs de mode imposent à l'humanité (encore une fois consentante), leurs fantasmes d'homosexuels (puisque l'énorme majorité d'entre-eux le sont), qui rêvent davantage sur le corps d'un garçon que sur celui d'une femme. Ils l'ont toujours été, homosexuels, mais autrefois les autres créateurs se soumettaient à un modèle féminin, fantasmé par les hommes.



Les raccourcis comme celui-ci s'enchainent et en dépit d'une plume venimeuse et maitrisée qui dénonce parfois les excès de certains féminismes, celui-ci passe beaucoup plus de temps à verser dans le nostalgique d'une époque idéalisé à outrance. Comme si tous les hommes virils des années 50 trompaient leur femme et ne réprimaient leurs instincts virils en choisissant une maitresse en plus de leur épouse, comme si tous les hommes virils sous De Gaulle rechignaient à l'idée de s'occuper de leurs enfants et de choyer leurs femmes. Peut-être est ce le cas et l'intériorisation des valeurs féministes m’empêche de l'appréhender -pourtant de ce que je peux lire des siècles passés, les femmes, certes affublées d'un rôle bien différent, n'étaient en rien méprisés de la manière avec laquelle Zemmour tente de le prouver.


Et si ce fut le cas ? Et que mon éducation ne soit qu'une œillère m'aveuglant, m’empêchant de saisir cette criante vérité ? Et bien j'aurais alors apprécié que les faits le prouve, que Zemmour fasse usage de statistiques, qu'il cite des lois, des articles universitaires mais ce n'est pas le cas. C'est surement la plus grande découverte de cette lecture, les pamphlets sont dépourvus de toute argumentation scientifique, les sources sont inexistantes. N'importe qui pourrait argumenter à sa façon que l'arsenic est bon pour la santé, ou que la terre est plate.


Par exemple, une phrase assénée comme vérité, comme maxime inébranlable :



Les juges, le plus souvent des femmes, font saisir les comptes des maris indélicats. Les lois empilent les obligations alimentaires du mari.



N'en déplaise à ses détracteurs et aux vulgaires détenteurs de la vérité qui lui mettront 1 parce que "Zemmour c'est un facho", le pamphlet reste tout de même digne d’intérêt, surtout lorsqu'il s'éloigne de la caricature et de la nostalgie, pour mettre en relation capitalisme et féminisme.

Nectanobé
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le 9 févr. 2017

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