Un pensait avoir tué l'autre et cela le hantait. Quand le narrateur découvre le livre d'Alexandre Wolf, Aventure dans la steppe, et lit le récit de l'aventure qui le poursuit depuis toujours, le fantôme prend une place marquante à côté de lui. C'est en quelque sorte le livre dans le livre.
Un jeune homme, dans l'armée des Russes blancs, en 1920, errant seul et épuisé sur le champ de bataille, tire sur un cavalier qui fonce soudainement sur lui, et pense l'avoir tué. Cet événement l'obsède, c'est même sa première phrase «Rien n’a autant pesé dans mon existence que le meurtre, unique, que j’ai commis: son souvenir ne m’a pas concédé une journée qui ne fût marquée par le regret». La lecture de cette nouvelle le renvoi à l'image brève qui s'est imposée dans sa mémoire. Celui qu'il avait tué, ne l'a pas été et raconte la même séquence, vu de son côté. Comme dans un film où la même histoire avec deux protagonistes, serait joué deux fois, sous des angles différents, vue par chacun d'eux. Seulement ici ce n'est pas du cinéma et cela ne dure que quelques instants.
Il va partir à sa recherche, mais sans résultat, du côté de l'éditeur. Ce sont les circonstances, sans effort, qui vont lui permettre de reconstituer le parcours. Au milieu de ses enquêtes, de ses "papiers" journalistiques, l'investigation se déroule devant lui.
C'est autour de ce récit qui se construit le livre de Gaïto Gazdanov, Le Spectre d'Alexandre Wolf. Publié pour la première fois en 1947 . Gaïto Gazdanov né à Saint-Pétersbourg en 1903 et mort à Munich en 1971, a pourtant passé une partie de sa vie en France. Exilé à Paris, où il a fait des multiples métiers, dont chauffeur de taxi, forcément, Gaïto Gazdanov a aussi fréquenté la Sorbonne et écrit plusieurs livres qui commence à être publiés en français, chez Viviane Hamy.
J'ai trouvé dans ce livre avec plaisir, l'ambiance, le son et le ton, de mes premières lectures des romans russes de ma jeunesse. J'ai aussi déambulé avec lui dans le Paris nocturne, le long des quais ou du quartier de la Bourse, des quotidiens et des imprimeurs. Au-delà des différents personnages et des circonstances de leurs rencontres c'est l'enchaînement tantôt arbitraires, tantôt construits mais toujours justes dans cette atmosphère entre le journalisme et la vie réelle... ou peut-être inventée.
Extrait: “A proximité du journal, j'entrai dans le bistro des typographes, qui restait ouvert toute la nuit, et rédigeai l'article que j'avais mentalement composé en marchant. Le porter à la rédaction le soir même m'éviterait de revenir dans les premières heures de la matinée, pour qu'il paraisse dans l'édition de midi. Quand j'eus remis ma copie, je rentrai en taxi et me couchait vers quatre heures. Yeux fermés, je revis les torses nus des boxeurs, le ring violemment illuminé, le sourire surprenant de la jeune femme. Puis je m'endormis, bercé par les claquettes de la pluie que j'entendais par ma fenêtre entrouverte.”
ArthurPorto
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le 19 nov. 2013

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