Comme tous les gens qui n'ont pas connu la période Victorienne, j'apprécie la délicatesse et le contraste proposé par cette époque révolue. J'aime aussi découvrir, au fil de ces petites histoires passionnantes, les petits désastres de cette bourgeoisie d'un autre temps. Une Bourgeoisie touchante, pleine de bonnes manières, de codes d'honneur, souvent opposés de manière très théâtrale à ces brigands machiavéliques mais tout aussi respectueux des codes.
Dans ces sept histoires, on peut donc découvrir tout un lot de personnages hauts en couleurs, toujours touchants dans leurs malheurs et leur façon d'agir.

Ces gentlemen, dandies capricieux et futiles, ces demoiselles piquantes et délicates sont toujours opposés au duo mythique de la littérature Policière: Sherlock Holmes et son ami le Docteur Watson.

Et je remarque que Conan Doyle surfe avec une certaine justesse et un humour très anglais sur les codes de cette société ultra-rigide. Au travers de Sherlock Holmes, il décrit les moeurs d'une bourgeoisie pétrie par ses obsessions,, parfois cruelle et toujours intéressée. Et cette analyse sera toujours mise en balance par les yeux du Docteur Watson. Celui-ci n'a pas les capacités d'observation du détective, mais possède un regard tendre, presque poétique, qu'il pose sur tout ce qui l'entoure. Cette vision parfois candide, comme l'analyse de la campagne environnante dans la dernière aventure, "Les Hêtres Pourpres", s'oppose en permanence avec la vision noire et légèrement cynique de Holmes. Dans ce cas précis, l'un y verra un ciel bleu magnifique et de petites fermettes pleines de charmes, l'autre un endroit terrifiant, où l'isolement et l'éloignement de la civilisation permettent tous les écarts en toute impunité. Et les exemples ne manquent pas.
Les échanges quels qu'ils soient sont savoureux, et à mon sens il est impossible de ne pas y voir une critique assez fine de la société de l'époque. Avec ses conversations mondaines totalement futiles et ses gentlemen pédant, arrogants, ayant toujours un avis sur tout et faisant force de loi, on a de belles caricatures. Enfin, les traits souvent très marqués ne peuvent pas être qu'un simple regard contemporain. Surtout vu l'intelligence de la construction des énigmes, héritées des méthodes de déduction logiques et scientifiques du professeur de Chirurgie de Conan Doyle, le Docteur Joseph Bell.

Ces dialogues apparaissent toujours en aparté, mais s'intègrent parfaitement dans l'histoire, avec une touche d'humour indéfinissable et “So British“. Le docteur Watson peinera toujours à imposer à Holmes un regard autre que professionnel et parfois cynique. Mais ces dialogues enrichissent considérablement les personnages et appuient sur les clichés trop saillants de l'époque Victorienne. Des clichés qui ont la vie dure selon Doyle, mais toujours décrits avec tendresse. Il n'y a jamais d'attaque en bonne et due forme, juste quelques piques osées et amusantes pour qui sait les voir. Personnellement j'adore.
On retrouvera notamment des parodies assumées de ses deux héros dans l'oeuvre de Sir Arthur Conan Doyle: “La Kermesse sportive“ (1896) et “Comment Watson apprit le truc“. (1924) Deux livres que j'ai hâte de découvrir, pour voir jusqu'où cet auteur délicieux pourra étirer les traits de caractères de ses deux compères.
Autre point ayant son importance, bien que Holmes soit un misogyne assumé et Watson très classique dans ses considérations concernant les femmes, la plupart des personnages féminins sont ici tout sauf des potiches. Elles ont toujours un rôle clef et peuvent avoir un fort tempérament. La dernière héroïne, Violette Hunter, parviendra même a surprendre Holmes par son courage et son intelligence. Et je trouve ce regard très novateur pour l'époque. Rappelons quand même qu'à cette époque, les femmes, considérées comme futiles, n'avaient aucun accès aux cercles mondains, n'étaient pas sensées raisonner et n'avaient même pas le droit d'ouvrir un compte bancaire sans l'autorisation de leur maris...

Enfin, il y a l'écriture. Moderne, efficace, très fluide. La construction des différentes histoires et certes classique vu de notre époque, mais remise dans son contexte, ce n'est plus la même chanson.
Conan Doyle est quand même à l'origine d'un style d'enquête totalement novatrices. On y retrouve toujours cette maîtrise des détails et du rythme pointue, ou chaque scène est étudiée avec soin. On alterne entre action soutenue et phases d'observations, plus calmes, jusqu'au dénouement final. Qui est d'ailleurs toujours énoncé avec calme et en faisant durer le suspens. Ce qui permet la plupart du temps d'avoir quelque chose d'inattendu et original, même avec mes yeux de 2013. Le choix des histoires est également intéressant, comme pour l'escarboucle bleue, où on verra nos deux compères s'intéresser de près à une Dinde de Nöel. Il y a toujours une trace d'humour et de tendresse dans ces histoires. On est donc enveloppé dès les premières lignes par le charme d'une époque et par ses contrastes. On est souvent surpris par les personnages ou par l'ambiance propre à chaque histoire. Mais on apprécie surtout la justesse d'une écriture aussi fluide et avant-guardiste. Fine, intelligente, piquante et délicieusement facile à lire, c'est un régal.
Bref, elle est totalement distrayante.
amjj88
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le 7 déc. 2013

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le 7 déc. 2013

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amjj88

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