Les Fiancés de l'hiver fait partie de ces œuvres que je n'aurais probablement jamais lu si je n'avais pas ma carte de membre sur Sens Critique. Par conséquent, je remercie vivement la communauté tout comme l'utilité, reconnue d'ordre publique, du bouche à oreille véhiculé grâce à ce site.


Ceci étant dit, je ne ménage aucun suspense et partage l'avis général des internautes en affirmant que Christelle Dabos nous livre ici une très belle histoire défiant l'imaginaire dans la veine de ce qui se fait depuis le XIXème siècle avec Lewis Caroll en passant, évidemment, par l'inénarrable J. K. Rowling qui a donné ses lettres de noblesse à la littérature jeunesse. Mettre sur le même pied cette jeune romancière française avec les pointures du genre n'est pas un effet de style ni une inconscience passagère, je pense honnêtement, après la lecture de ce premier tome, que pour un premier ouvrage Dabos à la capacité de développer un monde aussi profond et attachant que celui d'Harry Potter. La barre est haute certes, mais le potentiel est là. Clairement.


N'ayant pas de recul nécessaire dans le domaine des livres jeunesse, je peux quand même observer que l'histoire et le cadre scénaristique sont d'une très grande originalité. Très rapidement l'histoire se résume ainsi : Ophélie est une jeune femme animiste capable de lire grâce au toucher l'histoire des objets. Outre ses dons de "liseuse", elle possède également le pouvoir, et pas des moindres, de voyager à travers les miroirs, d'où le titre. Ophélie habite une cité - arche - volante entourée de sa très nombreuse famille. Gardienne du musée relatant l'histoire de son clan, sa paisible vie va basculer le jour où celle-ci est contrainte de se marier. Le but de cette union reste un mystère pour Ophélie comme pour le lecteur. Son futur époux, Thorn, est un intendant mystérieux appartenant à un autre clan et demeurant dans une citadelle volante perdue dans des contrées septentrionales : le Pôle. L'aventure débute à son arrivée à la Citacielle, ville-forteresse peuplée de clans rivaux, dans laquelle Ophélie va se retrouver embarquer malgré elle dans des intrigues où magie et complots se mêlent habilement.


Dans Les Fiancés de l'hiver, le lecteur est d'emblée plongé dans un univers pré-magique même si, au départ, celui-ci reste plutôt ressemblant à la réalité de tous les jours. Nous ne sommes pas dans le schéma classique du roman d'apprentissage où le personnage part de rien et acquiert ou découvre ses pouvoirs jusqu'alors cachés. C'est intéressant mais difficile pour l'auteur à cadrer je pense. D'autant que chaque clan, chacune des familles, possède son pouvoir "spécial". Ce premier tome se concentre, dès lors, principalement à présenter ces familles avec leur pouvoir respectif et, comme le mentionne à juste titre la critique de Crys Turncloak (en date du 2 novembre 2017), tente de baliser un univers à la cohérence parfois poreuse ou du moins pas toujours claire. Dans ce premier volume, aucune information n'est donnée quant au lieu et l'époque qui sert de cadre au récit. C'est au lecteur de l'imaginer, même si un faisceau d'indices m'a permis d'identifier un début de XXème siècle ou une époque post-apocalypse.


Le déroulé du récit est clair et limpide. L'auteur possède un style très cinématographique, très visuel facilitant la lecture "autoroute" et probablement sa future adaptation au cinéma... En revanche, au fil de la lecture les interrogations du lecteur s’amoncellent sans, hélas, jamais trouver de réponses. En effet, il s'agit d'un tome 1 à prendre au pied de la lettre, un peu comme un épisode de série américaine. Impossible d'évaluer la qualité de l'oeuvre sur le long terme ni d'embrasser la totalité du scénario car comme souvent sur Netflix, Les Fiancés de l'hiver se termine au beau milieu d'une action laissant ainsi place au suspense et à l'attente : "la suite au prochain épisode..." Ce n'est pas une tare en soi, au contraire, mais le roman se différencie par exemple du premier tome d'Harry Potter qui portait en lui-même une histoire avec un début et une fin. Dans la configuration du roman de Dabos, on est tiraillé entre l’enthousiasme produit par une entrée en matière alléchante et originale avec une forme de réserve car finalement l'histoire ne bouge pas tellement tout au long de ces 500 premières pages. Pour ma part, j'ai trouvé qu'il y avait quelques longueurs. La faute, je crois, à un personnage principal solitaire qui n'est jamais le moteur de l'action, bien au contraire même, puisque Ophélie subit tout du long des situations, par ailleurs humiliantes et frustrantes, imposées par une galerie de personnages secondaires hauts en couleur.


Pour conclure, bien évidemment, je vous recommande de vous plonger dans Les Fiancés de l'Hiver, une lecture qui ne s'adresse pas uniquement au jeune public de part la longueur de ce premier tome et des thèmes parfois suggérés (sexe). Christelle Dabos déploie une histoire et un univers à l'imagination débordante même s'il est difficile de juger précisément une œuvre qui, finalement, se déroule sur plusieurs tomes. La mise en place des personnages et du cadre étant faite, j'ai hâte de rentrer dans le vif du sujet avec le prochain tome : Les Disparus du Clairdelune.

silaxe

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