Un héros qui sort des sentiers battus dans un univers très riche

Il s’agit d’un roman de 1970, et même si le médiéval-fantastique n’tait pas quelque chose de novateur, ce n’tait pas non plus aussi répandu qu’aujourd’hui. Zelazny propose en plus un univers assez complexe, qui sort des sentiers battus, bien qu’on y retrouve des thèmes que l’auteur avait déjà abordé par ailleurs. C’est un univers dans lequel il aurait pu être très difficile de rentrer.


Zelazny fait donc le choix d’un protagoniste qui se retrouve amnésique suite à un accident de voiture et va découvrir avec le lecteur les bizarreries qui surviennent autour de lui, jusqu’à comprendre qui il est vraiment, sa réalité qui est bien différente de la nôtre et la complexité de sa situation. C’est une astuce qui est un peu facile, mais qui fonctionne vraiment très bien. Elle permet de plus de poser un personnage fort car Corwyn, le protagoniste, est extrêmement paranoïaque et manipulateur même après avoir perdu la mémoire. Ce n’est pas de la paranoïa si ils sont réellement après vous, et c’est le cas, sauf qu’il n’a aucun moyen de le savoir. Et il s’en sort. Même en naviguant à l’aveugle, il réussit à mener tout le monde par le bout du nez.


Les héros de Zelazny, et particulièrement les princes d’Ambre sont intéressants parce que d'un côté ils correspondent au schéma classique du héros : Corwyn est physiquement extrêmement fort (il porte une voiture à deux avec son frère sans ressentir le moindre effort), c’est un excellent combattant, à l’épée ou autrement, mais de l'autre ils n'agissent pas vraiment comme des héros : Corwyn tend à utiliser la violence comme dernier recours, et encore : quand c’est nécessaire il préfère tout de même attaquer par surprise et dans le dos.


Dans ce premier tome, sur cinq pour le cycle de Corwyn, nous suivons ce personnage alors qu’il redécouvre Ambre, sa famille et ses rapports avec ses frères et sœurs, et qu’il replonge dans la course au trône puisque le roi, son père, a disparu. Avec des pouvoirs quasi divins, les seuls que les princes et princesses d’Ambre ont à craindre sont leurs pairs, ils sont à la fois, leur famille, leurs rivaux, leur public.


Initialement Zelazny voulait écrire neuf livres, chacun du point de vue d’un des frères, mais il a tellement accroché à Corwyn qu’il ne l’a pas lâché. On ne sait pas dans quelle mesure cela a affecté l’histoire en général, mais il est sûr qu’en suivant le point de vue de Corwyn on sent bien qu’on passe à côté d’une bonne partie des intrigues qui se jouent dans la famille.


Chacun a ses forces, et tous savent comment les exploiter et tourner la situation à leur avantage. On voit bien trop souvent dans les films ou les jeux, et même dans la littérature, la violence comme recours ultime. Un héros va tenter parfois de négocier, ou un subterfuge, mais si tout échoue il reste la force. C’est caractéristique de tout ce qui est « action » donc prédominant dans les films et les jeux vidéos il faut que ça se termine en apothéose, et l’apothéose c’est un combat.


Mais ici ce n’est pas le cas. Ce premier tome l’illustre bien, mais il n’est pas le seul : la violence est un choix parmi d’autres, et même quand elle échoue, il reste d’autres moyens de chercher la victoire. Un subterfuge, un déguisement ne fonctionne pas : une attaque fera plier l'adversaire. La défaite au combat se produit, on essaye de le baratiner. Celui-ci ne se laisse pas manipuler : il est temps de sortir un as de sa manche et une petite entourloupe dont l’autre ignorait tout.


Ainsi même quand Corwyn finit vaincu, et au plus bas physiquement comme moralement, il n’abandonne pas, cherche un truc pour prendre l’avantage, en convaincant l’un ou l’autre de trahir à son profit, en tirant parti du hasard et de connaissances qu’il est le seul à posséder, en se faisant passer pour un autre ou en disparaissant si il le faut.


Tour à tour il peut se glisser dans divers archétypes : guerrier courageux, voleur sournois, diplomate manipulateur, magicien … aucun n’ayant plus d’importance que d’autres. Et au final même si le cycle de cinq tomes se conclut en une bataille, c’est une combinaison de différents aspects qui produira un vainqueur.

Mattchaos
10
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le 28 févr. 2021

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Mattchaos

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