Varley, l'imagination au pouvoir : un précurseur de Banks ?

Tout d'abord, les points négatifs, extrinsèque à ce recueil de nouvelles :
- l'incohérence entre le titre VF et le titre VO : la VO fait référence à une nouvelles distinct de la VF
- l'incohérence dans le choix des nouvelles : en effet, la nouvelle éponyme n'a rien à voir avec l'univers développé par Varley dans les autres histoires, contemporain de "Le système Valentine" et "Le canal ophite"
- et enfin, le fait que ce livre est quasiment introuvable, et que pour le trouver, il faut écumer les bouquineries (merci à la librairie Scylla à Paris)

Bon, ça, c’est fait.

Les nouvelles maintenant.

-Les mannequins
Commençons par la nouvelle « à part ». Les mannequins racontent la confrontation entre une étudiante en psychologie et une patiente internée, ne voyant à travers les hommes qu’une forme de vie qui n’est pas naturelle. Pur délire ou vrai réalité ? Attention à ce que la sauce prenne !

-Bagatelle et Barbie tuerie
Voici deux enquête/investigation de la délicieuse Anna-Louise Bach, personnage récurrent dans les nouvelles de Varley (à ce que j’ai cru lire…). La première raconte le rocambolesque déminage d’une bombe atomique parlante et terroriste par un démineur un peu spécial. La deuxième nouvelle décortique une singulière affaire : comment démasquer un assassin issu d’une communauté/secte où tout le monde subit une série de transformation dans le but d'être tous semblable, tant sur le plan physique que psychique ? D’autant plus que la victime est un des membres de ce groupe

- L’effet des fondus
Une croisière unique à bord d’une comète vers le soleil… L’ennui guette à bord, jusqu’à ce que des éléments tout aussi tordus les uns que les autres s’enchaînent. Réalité ou imaginaire issu de l’esprit de Quester, écrivain SF ( !) embarqué à bord ?

-Equinoxiale
Ma nouvelle préférée… Elle se permet d’effectuer un court panorama sur des excentricités humaines à travers le Système Solaire, avant de plonger dans les communautés de Annélides : ces personnes qui vivent dans le vides grâce à des symbs, produits de l’ingénierie génétique. Leur association avec leur porteur humain transforme le cerveau en supercalculateur, et de ce fait devient l'un des êtres les plus libres et les plus intéressant que j’ai vu dans la SF… Sans compter le système un brin loufoque et effrayant à la fois des deux principales communautés des anneaux saturniens et de leur modes de vie…


- Bayou beatnik
Où comment le lecteur a un aperçu :
- du nouveau système éducatif très spécial, les professeurs devant régresser physiquement au même niveau que leur élève
- du système pénal, révélant un autre élément important dans l’univers de Varley : le Calculateur Central de Luna., jugeant ici une affaire judiciare un peu particulier...

- Adieu, Robinson Crusoé
Là encore, c’est un petit bout de l’univers de ce futur du système solaire qui nous est dévoilé, avec un adolescent se prenant pour Robinson Crusoé dans une reconstitution d’un fragment du Pacifique sur...Pluton (!). Mais est-il bien celui qu’il veut bien faire croire ? A commencer pour lui-même...

- Sucre d’orge et bébé noir
Xanthia la fille/sœur/clone de Zoé, est formée à chasser un genre assez spécifique de trou noir. Ces derniers, de taille assez petite, sont prisés pour leurs ressources énergétique. Mais voilà qu'un jour, elle tombe sur une singularité qui sait...parler ! Oui, mais derrière cet aspect absurde, n’y aurait-il pas une anguille sous le rocher ?...

- Pique-nique au clair de Terre
Retour sur Luna où un jeune homme et son ami-e transformé-e, i.e. venant de changer de sexe, sur un coup de tête, décident d’aller pique-nique sur la face découverte, mais abandonnée de la Lune. Cette petite fugue, ça sera pour eux l’occasion de découvrir un personnage reflétant d’un anachronisme de leur époque...

Tout d’abord, je trouve que ce recueil de nouvelles est un bon moyen de découvrir Varley...pour un lecteur averti. Averti, dans le sens qu’il a pris connaissance de cause de l’univers principal de l’oeuvre de Varley : celui des « Huits mondes », son Mannequins mis à part... Et que leur lecture est réellement péchu.
Mais ensuite, je trouve que ce qui est réellement puissant, c’est qu’à travers le format nouvelle, Valey sait dévoiler quelques particularité d’un univers extrêmement riche (et je n’ai pas lu les 2-3 autres romans annexes...). Avec leur particularité croustillantes à chaque fois, voyez plutôt :
- la bombe nucléaire, produit final d’un homme qui s’est entièrement cybernétisé, et dont il suit assez banalement sa finalité : exploser. Et qu’importe les victimes, après tout, seul compte les machines...
- le coup des transformations du corps humain. Cela commence avec la secte les Conformistes (Barbie tuerie), imposant à leurs membres des transformations radicales afin qu’il n’y ait que peu de divergences entre chaque individu. Puis avec la « régression » physique que doivent subir les éducateurs particuliers pour accompagner de manière approprié leurs « élèves ». Cela s’enchaîne avec les « podes » des personnes vivant en apesanteur, qui ne sont que la greffe de mains à la place des pieds ; les intervention d’adaptation du corps humain en milieu aquatique (cf. les « branchies du héros deAdieu, Robinson Crusoé) ; et les Changements, ces fameux changement de sexe, passant par un arsenal génético-virologique et chirurgical, et qui s’inscrivent dans la logique même du développement de l’appareil psychique de chacun (les réfractaires étant considérés comme étant un peu déviants psychologiques...)
- mais surtout, le coup des symbs chez les Annélides. A lui seul il révèle le potentiel hautement imaginatif de Varley, et mérite qu’on lise la nouvelle qui s’y rattache car l’explication de ce phénomène n’étant pas aisée...

Sans oublier : le coup d’un voyage assez rocambolesque, mis en œuvre spécialement par une agence de voyage, pour contrer certaines formes d’ennui ; la création de Disneylands, terme employé pour désigner les reproductions authentiques d’endroits géographiques de la Terre (qui est, je le rappel, sous le coup d’une occupation extérieur), et quelques petits détails qui m’ont échappé... Ça ne vous rappel rien ? Même pas le cycle de La Culture de Banks ? Sans compter les larges univers décrits par d’autres auteurs assez contemporains de son époque...
Car, je trouve que, là aussi, Varley égratigne les canons des grandes épopées de space-opéra et associés (même si dans le présent recueil, on ne peut pas parler de space-opéra au sens propre...). Mais il va, à mon avis plus loin que certains auteurs qui ont « profité » du chemin qu’il a ouvert (et dans lequel, en mon sens, Banks s’y est engouffré), en évoquant l’inceste, qui n’est plus tabou, puisque l’Humanité s’est débarrassé des contraintes de la pression génétique (sans compter la quasi immortalité de chacun), et les liaisons quelque peu sulfureuses que peut entretenir un original avec son clone (cf. Sucre d’orge et bébé noir) *. Sans compter qu’il y a une part de hard science dans les histoires : la transformation d’une comète en vaisseau de croisière n’est pas sans rappeler la transformation similaire des astéroïdes dans Mars la bleu de Kim Stanley Robinson, et la description de l’univers des Annélides, même si elle repose sur des bases un peu loufoque, est assez crédible du point de vue scientifique, ne serait-ce que pour les symbs...
La cerise sur le gâteau restant l’humour, très pince sans rire, dans l’écriture de Varley, n’hésitant à dévier une situation anxiogène vers une atmosphère absurde...

Au final, je ne peux que conseiller ces petits moments de bohneur, voir de douce mélancolie (cf.Pique-nique au clair de Terre) que nous offre Varley, nous montrant par la même occasion une petite parcelle de son talent. En espérant qu'avec l'effet du Système Valentine, ce recueil ne tarde pas à se faire rééditer comme son grand frère, Le canal Ophite...

A LIRE

* à cela, on pourrait tout de même approcher les situations similaires que nous pouvons entrevoir dans" Le dragon ne dort jamais" de Glen Cook

NB : cette critique est rapatrié d'un forum, publié en 2005. J'étais jeune à cette époque. j'ai surtout corrigé les fautes d'orthographes qui m'ont sauté aux yeux.
ZombiDoctor
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le 17 févr. 2014

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