En l'an 2248, l'ancien agent colonial Edmund Gundersen est de retour sur la planète qu'il était chargé d'administrer avant que celle-ci ne proclame son indépendance. De la même manière que, dans notre réalité, la Haute-Volta est devenue le Burkina Faso et la Rhodésie du Sud est devenue le Zimbabwe, après le départ des colons la Terre de Holman a été rebaptisée Belzagor par les autochtones. Ceux-ci sont de deux sortes : les nildoror, quadrupèdes herbivores physiquement proches de l'éléphant, et les sulidoror, bipèdes carnivores ressemblant à des tapirs. Souvent considérés par les Terriens comme des animaux seulement bons à effectuer des travaux pénibles pour le compte des colons, nildoror et sulidoror apparaissent enfin à l'ancien agent colonial comme des êtres intelligents, capables de développer une riche civilisation qu'il s'agit désormais de comprendre...


Robert Silverberg a transposé dans l'espace la décolonisation qui, lorsque fut publié le roman au tout début des années 70, n'appartenait pas encore aux historiens mais était au contraire d'une brûlante actualité. Il y a beaucoup à dire sur un tel sujet et, dans un contexte de SF autorisant toutes les extrapolations, cela aurait pu donner lieu à des développements passionnants... Mais si les grandes questions sont abordées par l'auteur, il ne fait que les effleurer. Le roman dans son ensemble manque un peu d'enjeux. On suit Edmund Gundersen dans son "pèlerinage sentimental" sur les traces de son passé, qui débouche sur une quête mystique dont je ne révélerai pas la teneur. On est dans un Planet opera classique, à la Jack Vance, si bien que le "sense of wonder" tourne à plein régime : le voyage du personnage principal est prétexte à des descriptions très évocatrices de la géographie, de la flore, de la faune et des moeurs étranges des deux races extraterrestres qui se partagent la domination de Belzagor... C'est très bien, mais je reste quand même un peu sur ma faim.


Qu'il s'agisse de l'ambiance ou de certaines thématiques (avec cette fascination de l'auteur pour la jungle, la nature la plus sauvage, ainsi que le destin du personnage principal : homme "civilisé" qui devient autre en côtoyant la "barbarie"), j'ai retrouvé quelque chose du "Seigneur des ténèbres" écrit par Robert Silverberg une dizaine d'années plus tard. Mais "Les profondeurs de la terre" n'est pas aussi ambitieux, pas aussi abouti, que le roman que, d'une certaine manière, il préfigure... L'un comptant plus de 1000 pages contre moins de 300 pour l'autre, ceci pouvant expliquer cela. J'aurais peut-être davantage apprécié "Les profondeurs de la terre" si je l'avais lu avant "Le seigneur des ténèbres" et non après... J'ignore comment ce roman est perçu par les spécialistes de Robert Silverberg, mais j'imagine qu'il doit être considéré comme une œuvre plutôt mineure au sein de son impressionnante bibliographie. En tout cas, même si ce voyage sur la planète Belzagor fut pour moi agréable, il sera certainement loin d'être aussi marquant que "Roma Aeterna", "Gilgamesh, roi d'Ourouk" ou "L'oreille interne", autant de romans dont le souvenir me reste, de longues années après les avoir lus...


Je serais néanmoins très curieux de lire la BD "Retour sur Belzagor" récemment sortie. Le principal atout du roman, à mon sens, étant son aspect visuel, une adaptation graphique semble tout à fait appropriée... À suivre, donc !

Oliboile
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le 7 nov. 2018

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