Leurs enfants après eux par Lighght

Le livre dont je vais parler restitue la fin d'un monde.
Ce monde-là c'est celui des années 90, et de la France périphérique.
Bien loin de Paris "le point d'attraction, mais aussi de répulsion" des personnages.
Et pour cause, on est dans l'est de la France : on écoute du Nirvana ou du Johnny , les hauts fourneaux ne brûlent plus , le lac est joli, mais on a peur de s'y baigner au risque de tomber sur un cadavre. Et puis il y'a le soleil, c'est l'été.
Quatre étés , de 1992 jusqu'à 1998 où l'on suivra le destin croisé de jeunes adolescents et de leurs familles : Anthony , "le cousin" , Steph et Hacine.
Tous différents, mais poursuivant un but commun : s'échapper de la "prison des jours" .

" Chez eux, on était licencié, divorcé, cocu ou cancéreux. On était normal en somme, et tout ce qui existait en dehors passait pour relativement inadmissible. Les familles poussaient comme ça, sur de grandes dalles de colère, des souterrains de peines agglomérées qui, sous l’effet du Pastis, pouvaient remonter d’un seul coup en plein banquet. Anthony, de plus en plus, s’imaginait supérieur. Il rêvait de foutre le camp "

Cette prison des jours les contraint à s'ennuyer, mais aussi à aller vers l'autre et le découvrir. Et c'est à travers la description des corps que le désir et l'amour prennent place. Et entre ces deux-là , le fossé de la classe sociale.
Car dans cet univers en péril , où les enfants ne veulent pas ressembler à leurs parents, la désindustrialisation fait des ravages.
Et c'est avec souci du détail et de réalisme que Nicolas Mathieu retranscrira l'angoisse dans " Leurs enfants après eux" .
Ce roman sociopolitique et d'apprentissage fut ma première lecture parmi la sélection , 432 pages qui m'ont introduite à une époque et à un lieu auxquels je ne me suis jamais intéressée et que je n'ai jamais connus.
Une œuvre vraisemblable que j'ai trouvé juste et magnifiquement brute, car pendant ces moments de lecture , vous devenez témoins de la vie des protagonistes. Vous vous interrogez sur leur avenir, mais vous n'arrivez pas forcément à les aimer. Ils sont ce qu'ils sont, réels.
Sans oublier la plume de l'auteur , qui rappelle celle de quelques écrivains américains et qui a un véritable don pour mettre en place les décors et les sensations en bombardant le livre de références , effets de Madeleine garantis.
C'est un roman qui ne parlera pas à tout le monde , mais n'est-ce pas le rôle du lecteur aussi de partir à la recherche de ce qu'il ne lui ressemble pas ?
Avoir de l'empathie , dans la fiction ou la réalité , aujourd'hui plus qu'hier on en a besoin.