Je dois être un des 1 % d'élèves français de ces vingt dernières années qui n'a pas eu à croiser un jour ou l'autre dans sa scolarité Madame Bovary ; ça paraît improbable et pourtant je suis la preuve que c'est possible... Bref, je n'ai pas lu Madame Bovary avant mes 30 ans et je n'en avais pas vraiment le souhait jusqu'ici. Et puis paf, on se décide d'un coup, on se dit qu'on va pas claquer sans avoir lu une des œuvres littéraires françaises, voire même mondiales, les plus célèbres, analysées, décortiquées, admirées, détestées (surtout pour les bacheliers obligés de lire un résumé complet et donc long du roman sur Internet, oh là là c'est dur !!!). Assez de tralala, le roman...
Passé une première partie avec quelques descriptions un chouia trop alambiquées pour moi lecteur, je me suis par la suite, soit parce que Gustave Flaubert (deuxième paragraphe, il est peut-être temps que je cite le nom de l'auteur, d'autant plus que ce monsieur n'est pas un inconnu scribouillard de troisième zone !!!) fluidifie son style, soit parce que pris par l'intrigue j'ai moins fait attention à ce genre de détails à base de descriptif. Bref, j'ai lu et claqué en deux jours ce livre vite très prenant.
Maintenant le contenu, oubliez toute idée de romanesque. Emma Bovary, que je ne vais pas m’appesantir à présenter puisque tout le monde la connaît, est une anti-héroïne qui vit dans des idées romanesques mais qui est certainement la femme la plus sexuellement, financièrement et bêtement matérialiste du monde. Elle a rien de romantique, de romanesque, de tout ça... Elle pense qu'elle l'est mais elle ne l'est pas du tout. Et toute trace de romanesque qui pourrait se dégager autour (pas de !!!) son personnage y est annihilée.
Discussion romantique avec Léon, paf entrecoupée par les propos pédants, avec une overdose de mots compliqués en telle quantité qu'on renonce très vite à les chercher tous dans le dictionnaire sinon on y serait encore dans quinze jours, de ce cher Homais, discussion romantique avec Rodolphe pendant les comices agricoles, entrecoupée par le discours plat et barbant d'un quelconque envoyé de la préfecture, sans parler d'une plongée, dans un chapitre précédent, dans les pensées du futur amant comparant sa future maîtresse à une carpe et se demandant comment s'en débarrasser après consommation. Même dans la mort, Flaubert ne l'épargne pas, c'est dégueu, c'est horrible. Juste pour le plaisir, petite mention aussi à la scène d'un roman du XIXe la plus WTF qui soit, à savoir celle du carrosse ; j'ai adoré.
Alors désespérément réaliste et férocement ironique Madame Bovary ??? Ben oui et pas qu'un peu... Totalement dénué de romanesque ??? Jusqu'à cinq pages avant la fin, on dirait un "OUI", sûr, fort et ferme. Mais voilà, un éclair aussi foudroyant d'autant qu'il est bref et surprenant, surtout par sa provenance, frappe le lecteur. Ce couillon de cocu magnifique, naïf, timide et gauche de Charles Bovary aura le droit à son trait sublime, le seul du livre. Et là, on se dit que le propos du livre, ou du moins un des propos du livre, est que le sublime, le beau peut sortir de là on ne l'attend pas du tout. Et là, on se dit que le père Flaubert était vraiment trop fort.