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Bon mais étrange mais bon, mais étrange....

L’histoire suit le réseau du métro de Londres, mais aussi des règles arbitraires qui résultent, on le comprend rapidement, du cerveau de Martin John. De quoi souffre-t-il ? Difficile à dire, il passe du coq-à-l’âne, est très rigide sur certaines choses (haine des mots avec la lettre P, fascination pour l’Eurovision), répète des phrases (un peu comme des stéréotypies), devise avec des personnes qui semblent issues de son imagination (Conscience Chauve, Gary,..et même sa mère, ce qui peut faire penser à Psychose d’Hitchcock, ou à Split De M.Night Shyamalan). Mais là où c’est encore plus intéressant qu’une redite sur la folie, c’est qu’au lieu d’avoir affaire à un regard extérieur, on est dans la tête du personnage, et ça reproduit l’emberlificotage de son esprit : est-ce réel ? Pourquoi ne nous dit-on pas tout ? Pourquoi cloisonne-t-on certaines informations ? (ce qui peut faire réfléchir d’ailleurs au rôle du narrateur, qui nous ballade finalement dans chaque livre et distille des indices…)


C’est aussi un livre sur la misère sexuelle, Martin John, on voit que ça l’obsède et que ça lui fait peur à la fois. Il peut faire penser au personnage dans Eraserhead, le bébé-tête-d’agneau en moins. Il erre dans un décor désincarné, avec des protagonistes hostiles et étranges (pour ceux qui semblent exister), et des représentations encore plus étranges dans sa tête. Et le seul sens qu’il peut trouver, c’est comme un nouveau-né, les sensations que son corps ou les autres peuvent lui procurer (c’est un pervers polymorphe dirait Freud, oui oui, c’est ce qu’il dit des enfants). Donc d’un côté, c’est aussi dur de lui en vouloir, je ne le sens pas responsable, et même à plusieurs reprises, je me suis demandé s’il n’y aurait pas un twist qui en ferait un enfant… La relation à la mère (encore une fois, si elle existe) est aussi intéressante : on se rend compte au fur et à mesure qu’elle aussi souffre de petites manies, qui empiètent de plus en plus sur elle. Au début, ça m’a fait penser qu’en terme de problèmes psychiatriques, (j’avais lu ça il y a quelques temps, donc je ne sais pas si c’est dit tel quel), il y a parfois chez les parents des signes atténués de la maladie de l’enfant… Mais la fin apporte d’autres interprétations ( et bon sang, sur la dissolution du moi, j’ai rarement lu aussi radical). Donc c’est une autre réussite du livre, à côté de cette distorsion du réel, il y a des choses très prosaïques, très réalistes, ce qui donne vraiment cette impression d’une vision fragmentée du monde.


Au début, pour nous lecteurs, ça manque de générosité. Passé l’excitation de l’originalité, ne rien comprendre et tirer sur des fils préalablement découpés par l’auteur, c’est très frustrant. Mais petit à petit, le nœud commence à se faire sentir, et le livre devient difficile à lâcher. L’une des grandes forces de ce roman, c’est que dans un premier temps, on éprouve surtout de la pitié pour Martin John. On passe sous silence ce qu’il a fait, donc on a l’impression d’être avant tout face à une personne qui a des problèmes psychiatriques. Mais au bout d’un moment, on ne peut qu’être mal à l’aise. C’est sale et glauque, il commence à nous détailler ses agressions, son exhibitionnisme. Le narrateur nous parle d’une chose, et on s’aperçoit soudainement que Martin John se paluche dans une salle commune de son hôpital psychiatrique, parfois le narrateur nous met directement en garde (et même ce narrateur, on se demande si ce n’est pas Martin John, avec ses rituels qui reviennent, sa paranoïa)…. La narration est disloquée, lacunaire, on n’a que ce qu’il veut bien nous dire, parfois il ne veut pas, alors on avance, on avance, puis il revient en arrière. Cette attente s’étire, grâce aux indices dissimulés le long des pages et la tension monte. Et immanquablement la peur qui en découle : est-ce que je vais être récompensé de mâchouiller cette histoire ? Est-ce que je ne vais pas ressentir un tout ça pour ça à la fin ? La conclusion est comme le début : elle redevient hermétique. On peut faire des suppositions, mais nos questionnements ne seront pas résolus. Donc c’est un peu frustrant, mais c’est un livre que je vous conseille, quand même, parce que je trouve la narration vraiment couillue de rester aussi perturbante et déroutante. Mais il faut aimer ce qui est cryptique.

YasminaBehagle
7
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le 23 oct. 2021

Critique lue 40 fois

YasminaBehagle

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