Par Rois du monde, l'auteur semble rester fidèle à lui-même.


L'œuvre de J.P. Jaworski est très riche : l'univers qu'il dépeint est si bien documenté (son atout maître) qu'il parait pourvu d'une profondeur insondable. Je n'ai encore vu une telle richesse de vocabulaire chez aucun autre auteur, pas même chez ceux qui surpassent notre homme par une maîtrise plus adroite de la langue. Mais pour impressionnante qu'elle soit, cette richesse de vocabulaire m'a parfois rendu son univers hermétique, tant les mots inconnus étaient pour moi nombreux. L'immersion du lecteur dépendra de sa capacité à se représenter les nombreuses descriptions chères à l'auteur, donc de sa compréhension du vocabulaire choisi; d'un lecteur à l'autre, l'expérience peut s'avérer extraordinaire... ou absolument catastrophique.
J'étais quelque part entre les deux.


Adepte de la narration directe, j'apprécie chez l'auteur son attachement à la description des états d'âme de ses narrateurs, sa capacité à les malmener, son désir d'en peindre un portrait complexe et pas toujours reluisant.
Son écriture des femmes m'est en revanche beaucoup plus pénible, puisque Jaworski s'est pour l'instant avéré incapable d'en écrire un intéressant. Si le fait de dépeindre un univers fortement emprunt de patriarcat et de mysgonie et la volonté d'en préserver la cohérence peut en partie expliquer cela, l'excuse me parait malgré tout un peu facile et insuffisante. Et si quelques figures féminines se détachent du modèle choisi, elles n'interviennent jamais de façon significative dans la trame de l'histoire, leur place restant soigneusement cantonnée à un rôle tertiaire et toujours dépendante d'une figure masculine. Qu'il s'agisse de Danissa (la mère de Bellovèse), de Prittuse (ex-épouse du Haut-Roi), de Senniola (épouse de Bellovèse) ou encore des Gallicènes, aucune ne se détache jamais du fond de la toile, et ce qui est rapporté de ces personnages n'est que très anecdotique. À regret, en ce qui me concerne.
Cet état de fait est accentué par une surpopulation de personnages masculins dont il est impossible, pour la plupart, de retenir le nom, à défaut d'être récurrents. Écrasante, la présence masculine noie la présence féminine, du moins à ce stade de ma lecture (premier tome de Chasse Royale).
J'espère encore une amélioration de ce point de vue.


Je trouve la trame adroitement menée, qu'il s'agisse de l'imbrication de songes dans Même pas mort ou de l'imbrication de récits dans la première partie de Chasse Royale. S'il faut veiller à ne pas s'y perdre, ce choix de narration accentue le sentiment de profondeur de l'univers, et participe de façon appréciable à sa forte personnalité.


Je ne suis pas réceptive au choix de l'auteur de briser le quatrième mur en prenant le lecteur à partie, soit en tant que tel, soit à le glissant dans la peau d'un interlocuteur plausible de l'histoire. Tant dans Gagner la guerre que dans Rois du monde, ces passages m'ont parus superflus, voire complètement dénués d'intérêt. Ses récits s'en passeraient à mon sens très bien. J'en perçois peut-être un peu plus l'apport dans Rois du monde, mais ces coupures n'ont pour l'instant eu que pour effet de me sortir du déroulé d'un récit dans lequel j'avais parfois du mal à rester ancrée.


Enfin, je déplore mes lacunes en Histoire, notamment concernant les peuples Celtes, donc mon manque de références personnelles pour apprécier toute la portée du travail de recherche de l'auteur. Ce qui n'empêche pas d'apprécier en tant que tel l'univers qu'il en tire.


Je garde malgré tout une impression générale très positive de mon passage dans cet univers. Le style de Jaworski est brut, parfois brutal, presque grotesque par moments; impossible d'y rester indifférent...

Camiille
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le 22 mai 2018

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Camiille

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