Bon, alors confessons-le dès le départ, à la faveur du Dieu Pélican: je n'y connais pas grand-chose, moi, en littérature humoristique. J'aime pourtant beaucoup le concept: je suis un rigolard, tu vois. L'idée de m'esclaffer sur un roman, ça a quelque chose d'excitant, de beaucoup plus audacieux que devant une bonne BD franco-belge. Parce que ce n'est franchement pas évident de faire rire qu'avec des mots, sans l'image qui vient titiller l'esprit, sans la mimique fabuleuse d'un De Funès ou le coup de crayon hilare d'un Franquin. Donc oui, je vais toujours à la littérature humoristique de bon coeur.
Ceci étant dit désormais, les multiples incursions que j'ai mené sur ces terres de rire furent... Catastrophique, majoritairement. Et je pèse le mot.


L'exception fut la saga "Barry Trotter" de M. Gerber. Je l'ai lue il y a bien longtemps, alors que j'étais encore au collège. Mais je me rappelle de grands moments de rire, il serait probablement intéressant de retenter l'expérience, même si j'ai bien peur de ce que cela va impliquer.
Tout le reste fut au mieux médiocre. J'ai ainsi lu quelques ouvrages de Gordon Zola, auteur français spécialisé dans le rire, pour lequel je suis resté globalement très indifférent. Pseudo-récit parodique (il ne parodiait généralement rien du tout, en témoigne son "C'est pas sorcier, Harry?" où le lien avec HP est fort ténu), humour de verbe souvent fin mais ne faisant qu'esquisser un sourire... Pas mauvais, mais franchement pas formidable.
Le pire était à venir avec "Imitation " du Harvard Lampoon. Avec ce bouquin, je suis tombé si bas! Quand je regarde l'horizon et réfléchis sur ma vie, je me demande parfois si je suis encore le même depuis cette lecture. Loin de moi l'idée d'avoir la critique assassine et gratos, mais je vais quand même écrire ceci en vitesse: c'était nul à chier. L'idée que ce bouquin ait atteint un public m'est véritablement très douloureuse (exactement la même sensation, au final, que lorsque les gens achètent les CDs de JUL).
Et ainsi, après maintes déboires, j'ai trouvé des auteurs amusants, mais avant tout de très grands écrivains, citons par exemple Hunter S. Thompson pour qui faire rire est un jeu d'enfant, parfois même à ses dépends.


"Mésaventures à Honolulu" est un peu entre tout ça. Après une préface (trop) flatteuse, on attaque ce bouquin de bon coeur, puisque l'on nous a quand même assuré que l'humour de Jack Handey, son "non-sens" questionnait l'humanité et débordait d'une poésie intemporelle. Bon, je veux bien, mais il ne faut quand même pas pousser mémé dans les orties.
Le livre fait parfois franchement rigoler. Les péripéties de Slurp Fausse Route à Hawaï valent le détour, et plus que tout, Slurp Fausse Route vaut le détour. C'est au final ce personnage, gigantesque loser doublé d'un fdp de première, qui est génial. Esprit probablement malade, Slurp interprète mal à peu près toutes les situations, n'a aucune éthique et des motivations métaphysiques. Et c'est avec la conviction des plus grands losers qu'il va ainsi semer désolation et chaos autour de lui, souvent bien malgré lui...
Mais plusieurs choses viennent nuancer le tableau: tout d'abords, le livre est relativement perché. Disons que Jack Handey me faisait parfois penser à Hunter Thompson, à la fois dans son humour de situation le plus bête et efficace possible, mais aussi dans ses petits délires de non-sens et surtout d'absurde sortant de nulle part. Mais avec Thompson, il y a toujours un gros soutien à tous ces délires, son écriture-même est un terreau fertile à même de développer des images réellement absurdes. Ce n'est pas le cas de l'écriture de Jack Handey, épurée au maximum. Alors ces images absurdes, si elles marchent quelque fois (la figure du Dieu Pélican, la plupart de ses réflexions sur Don), sont parfois à l'origine de jolis malaises pour le lecteur (les "pensées métaphysiques" qui ponctuent le récit sont par exemple un peu abruptes).
Deuxième chose: c'est parfois naze. Au sens pas drôle. J'ai trouvé qu'un nombre conséquent de chapitre me laissait de marbre. Alors là, évidemment, ma critique est très subjective, et j'imagine complètement qu'il a pu en être autrement pour un autre lecteur. Enfin, ça reste ma critique et mon ressenti. Alors le tragique, dans tout ça, c'est que contrairement à un Thompson qui possède une écriture fabuleuse, Jack Handey ne mise que sur l'humour. Son écriture est volontairement très simple, l'histoire volontairement absente, et la réflexion bannie. Alors autant vous dire que quand vous trouvez un chapitre pas drôle, le verdict est sans appel: de nouveau le terrible malaise du lecteur...


"Mésaventures à Honolulu" n'est donc franchement pas une réussite à mes yeux, et rejoint toute cette littérature d'un genre rare qui me laisse froid. Ce n'est pas une perte de temps, au sens où le livre vous réserve quelques moments de sourires appuyés, mais je pense que c'est honnêtement dispensable. Encore une fois, je souligne bien ici qu'un lecteur plus "perméable" à cet humour aurait sans doute écrit une critique beaucoup plus élogieuse...

Wazlib
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le 14 août 2017

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