Nouveauté 2021 en romans pour adolescents tout droit sorti des USA, mon sentiment à son endroit est mitigé, voir légèrement malaisé. Une Booknaude a d'ailleurs su mettre en mots mon ressenti à son endroit, alors je le met ici consultation:


https://booknode.com/missouri_1627_03239353/commentaires/23324547


Et donc, je vais tâcher de faire de même.


Pour l'histoire, nous avons Veronica Clarke, 17 ans, dans le rôle de la fille "parfaite", blonde, major de sa promotion, investie dans divers projets scolaires et...portant même un anneau de virginité?? Je vais être honnête, je ne savais même pas que ça existait, mais bon, je sais que contrairement à mon coin de pays, certains endroits des USA sont très religieux et ce doit expliquer ce genre de "vœux". Néanmoins, malgré cette bague, Veronica a un copain avec qui elle a des relations sexuelles et c'est dans un cabinet de toilette que nous la retrouvons au début du roman pour nous apprendre qu'elle est enceinte. Oups. Voyant déjà ses projets de grande école coté, de bourse, de popularité et de perfection s'écrouler devant ce teste positif, Veronica cherche alors à se faire avorter pronto bene. À priori, elle demande à son copain, Kevin, footballeur sexy populaire aussi stupide que collant, de l'accompagner hors du Missouri, à Albuquerque, dans une clinique d'avortement ( car les mineures doivent avoir une autorisation parentale pour cette procédure dans l'état du Missouri). Et là, la révélation choc: Kevin a volontairement saboté un condom pour faire en sorte que Veronica tombe enceinte pour pouvoir l'épouser et la tenir près de lui. Choquée, trahie, l'adolescente se tourne vers son ancienne meilleure amie, Bailey, rebelle notoire aux cheveux turquoises, pour faire les 1627 kilomètres jusqu'à Albuquerque, moyennant paiement. Et bien sur, c'est le début d'un road trip déjanté qui va leur permettre de consolider leurs liens...ou pas.


Ah, les auteurs américains! Certainement les champions toute catégorie des scénarios loufoques et irréalistes! Bon, pas tous, bien sur, mais de manière générale, leur tendance à faire dans le sensationnel amenuise la porté de leur sujet, surtout des sujets aussi graves. Loin de moi l'idée qu'il ne faut pas faire de l'humour avec des sujets graves, au contraire, il faut savoir dédramatiser certains sujets épineux. Néanmoins, le tout manque de profondeur et de réalisme, là est le problème.


Le sujet de base est l'avortement, au coude-à-coude avec une amitié brisé par la superficialité de l'une par rapport à la rebellitude de l'autre ( un sujet usé jusqu'à la corde, soit dit en passant). Les USA sont un pays qui navigue dans les extrêmes, parce que chaque État se gère indépendamment des autres Ainsi, si certains sont très modernes et progressistes, d'autres sont conservateurs et rétrogrades ( et souvent les plus religieux). On aurait pu en aborder plus ici, de cet enjeux social qu'est le Droit de s'appartenir, qui change selon les États, mais c'est à peine survolé. On aurait pu aussi approfondir le malaise de Veronica, justement religieuse, concernant l'avortement, au lieu de lui faire prendre une décision unilatérale qui ne suit pas sa sphère spirituelle.


En fait, je trouve que l'avortement de Veronica n'est pas tant la ligne centrale du roman qu'un prétexte à faire un road trip complètement dingue. Et au final, c'est le passé d'amitié brisé des deux filles qui occupe plus de place que le sujet de sa grossesse non-désirée.


Je remarque aussi que la couverture en version française est erronée: on y voit un "oui" contre un "non", ainsi que la mention "Un choix à faire". C,est faux. Veronica ne fait aucun choix: elle a choisi dès le début et ne montre pas le moindre signe de tergiversation qu'en audit choix. Elle veut se faire avorter et elle va se faire avorter, point barre, il n'y a pas d’ambigüité dans le roman à cet égard. D'ailleurs, ça aussi aurait pu être plus présent: l'hésitation, le remord, la peur, je ne sais pas. En même temps, pour une fois, nous avons un personnage qui n'hésite pas face à cette décision, mais ç'aurait été crédible si elle n'avait pas été une américaine du sud religieuse qui ne connait rien sur le sujet.


J'ai tout-de-même apprécié la grande présence de personnages féminins, même si, soyons francs, ont croule sous les stéréotypes. c,est aussi souvent une tare que je vois dans les romans des USA, on y a les stéréotypes tenaces. On avait pas besoin de faire deux amies aussi radicalement différentes et stéréotypés, le simple fait d'être en opposition sur deux ou trois sujets auraient suffit. Veronica craignait pour le paraître, Bailey se sent rejetée par son père, qui a quitté la maison. Juste avec ça, on était correct, mais non. on a surenchérit avec une blondouille major de promo, qui sort avec un footballeur, qui a des 100% dans ses cours, qui est acceptée dans une université coté, qui porte une bague de chasteté...Et qui, au final, est plutôt potiche pour une fille supposément brillante. Même chose pour Bailey: habillée comme la typique punkette de l'école, cheveux turquoises, consomme des drogues, fait des mauvais coups, est gay, vole des trucs...Bon sang, que c'est cliché. Les personnages stéréotypés servent les auteurs qui ne savent pas créer des personnalités et des nuances.


Ce roman me semble appartenir à une sorte de catégorie montante de la littérature jeunesse américaine: le Feel-Good-partiellement-engagé-Chick-Lit-Adolescente-Superficiel-Parce-Que-Ça-Vend. Joli nom, mais trop long, va falloir plancher pour un truc plus court. Mais c'est ce que je trouve de plus près: un roman tout en action, avec des personnages cent fois revus, une pelleté de sujets dits "actuels" et une écriture facile. C'est une littérature "Fast food" qui fait niveler la littérature jeunesse vers le bas.C'est divertissant dans une moindre mesure, mais plus ou moins pertinent et encore moins transcendant ( sortir "changé de sa lecture). Le genre d'histoire qui ne marque pas les esprits, je pense. Pas le mien, assurément.


J'ai apprécié les chapitres qui comptaient les kilomètres parcourus, la prêteuse sur gage solidaire, la tribune de filles en présence et le fait que ça se lit tout seul, malgré tout.


Ce roman aurait ou être un terreau fertile propice à parler des enjeux liés à l'avortement, au droit de jouir de son corps, aux religions qui se croient placés pour juger les femmes, aux motivations liés à l'avortement, au ressenti des femmes qui le vive. On aurait pu aussi approfondir le sentiment de rejet de Bailey, dont le père ne voulait manifestement pas d'enfants. Et même, on aurait pu parler plus de Kevin, dont les horribles actions cachent peut-être autre chose, comme un trouble de dépendance affective ou un Trouble de personnalité dépendante. Ou alors, je cherche de la profondeur là où il n'y en a pas et Kevin est juste un sale con particulièrement collant et possessif.


Enfin, et ça, ça m'agace, une fois encore des auteurs jeunesse tentent de nous faire croire que de faire des crimes, même mineurs, peuvent rester sans conséquences. Je parles de vols, de l'intrusion et des voies de fait ( oui, tout trou-de-c*l soit Kevin, on ne peut pas juste le molester, le tirer avec un taser et lui vandaliser son auto). Je ne dis pas qu'il ne doit pas y en avoir dans les romans jeunesse, mais un minium de conséquences, ça serait le bienvenue. Parce que dans la vraie vie, il y en a.


J'ai déjà lu des romans jeunesse qui allie humour et gravité, mais ça prend du talent, beaucoup de connaissance sur le sujet proposé et une certaine capacité à parler des émotions et du ressenti. Mais c'est possible. Ce n'est donc pas l'humour ( quoique plutôt "boboche") qui est en cause, autant que le manque de viande autours des divers sujets "graves".


Un roman pour ceux et celles qui ne veulent pas se casser la tête et qui aime les péripéties déjantés typiques des comédies sentimentales américaines.

Shaynning

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