Ne crains pas l'ombre ni les chiens errants par Anaïs Alexandre

Cassandre a trente ans et vit dans un complexe pour occidentaux sur l'île de Java. Son mari travaille pour une exploitation d'huile de palme et elle est rédactrice indépendante. La naissance de sa fille va fissurer le bel équilibre dans lequel vit Cassandre. Elle ouvre les yeux sur le monde qui l'entoure et avec lequel elle a toujours été en décalage. Elle comprend le désastre écologique en cours derrière le décor de rêve. Alors, pour elle et pour sa fille, elle choisi une autre vie, elle fuit.
C'est un roman qui se lit d'une traite, pris par l'urgence de la décision de l'héroïne. Le rythme est haletant. A mesure que Cassandre fuit vers la vie qu'elle se choisit, les souvenirs de son enfance ainsi que ceux de ses premiers pas sur l'ile affluent. Cassandre est un transfuge de classe. Sa mère l'a élevée seule et avec des revenues modestes. C'est son travail acharné pour pouvoir entrer à l'école du Louvre qui lui a ouvert une vie parisienne. Lucas, son mari, vient de la bourgeoisie. Avec lui, elle sort de sa condition, connait le luxe des villas d'expatriés en Indonésie. Malgré tout, elle se sent toujours en décalage avec les autres habitants du complexe. Elle n'a pas le même regard qu'eux sur les indonésiens ni sur le pays. Elle voit le mal que l'homme fait à la terre et le désastre qui s'annonce.
Avoir un premier enfant est un grand chamboulement dans la vie d 'une femme mais encore plus quand cela arrive si loin de son pays natal et de sa famille. L'accouchement de Cassandre est clinique, froid, traumatique. Elle est épaulé par Kati, sa "penbantu", "celle qui fait", le mot indonésien pour designer le personnel de maison. Cassandre n’arrive pas à considérer Kati uniquement comme une "pendantu", elle est la seule personne avec qui elle parle la journée. Elle l'aide à traverser les début de la maternité avec les rites de son pays et sa présence bienveillante. La maternité ouvre les yeux de Cassandre. Elle voit l'absurdité de sa vie face à la misère des habitants et aux feux de foret incontrôlables. Elle se rend compte des liens qui se distendent entre elle et Lucas. Les passages parlant de ses débuts de maman sont extrêmement forts. Elle renoue avec un part animal, ancestral. J'ai trouvé cela d'une grande justesse.
La construction du roman est rythmé et embarque complétement le lecteur dans les paysages de Java et les tourments de Cassandre. C'est un livre qui se lit d'un souffle et dont l’héroïne nous habite encore un fois le livre refermé.

Anaïs_Alexandre
8

Créée

le 28 janv. 2021

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