Incroyablement incompréhensible.
Jamais - je dis bien jamais - je n'ai lu un récit aussi étrange et impénétrable.
Je m'étais bien risqué une fois de parcourir certains paragraphes de l'arrogantissime Heidegger, mais Gibson commet l'exploit d'être encore plus obscur que le philosophe allemand. Parvenu au premier tiers du livre, je n'ai compris ni les lieux, ni les enjeux, ni ce que veulent les personnages, bref, je pige absolument quedalle au récit, et ce n'est pas faute de m'accrocher pourtant.
Donc soit Gibson est un authentique génie me ramenant à mon imbécillité la plus crasse, soit son texte est intrinsèquement mal foutu. J'hésite encore.
Ce qui est certain, c'est que le procédé narratif explose toutes les règles les plus basiques du roman. Gibson se fiche éperdumment de perdre son lecteur à l'esprit vierge de concepts. Neuromancien doit être lu avec un mode d'emploi inexistant. C'est un feu d'artifices de concepts, de néologismes, d'ellipses à outrances, de cavalcades entre réel et virtuel sans qu'on en saisisse les tenants et aboutissants, de bordel en étoiles... à ce stade, je soupçonne fortement Gibson d'avoir écrit son roman complètement shooté. Comment l'éditeur a-t-il pu laisser passer un tel torrent d'obscurités ? C'est à se cogner la tête contre un ordinateur. Hypothèse : On parle de Neuromancien comme d'un livre visionnaire. Peut-être est-il réellement trop en avance sur notre temps, et que dans 1000 ans, tous les auteurs écriront comme Gibson l'a fait en 1984.
D'ici-là, je sais déjà que j'arriverai à la fin de l'oeuvre aussi ahuri et perplexe que maintenant.
La seule, et immense qualité de Neuromancien, tient surtout à son "atmosphère" unique, cette crassitude décadente et neurale réellement fondatrice du cyberpunk, et qui rappelle fortement, par certains aspects, l'ambiance de Blade Runner.
L'écriture est inégale, la lecture lente à force de rien piger, mais on s'accroche, moins pour l'histoire que pour le ressenti de cette poésie glauque et noire d'une dystopie hermétique à tous nos repères. Dommage. Le potentiel était juste énorme, il aurait fallu un bouquin 2 fois plus gros, avec plus de transitions nettes entre les idées foisonnantes pour faire voltiger le lecteur dans des cieux littéraires inégalés. Mais à vouloir monter trop haut, trop vite, j'en ai juste attrapé la nausée. Oeuvre géniale, paradoxalement ratée. On en reparle dans 1000 ans.