Northanger Abbey
7.4
Northanger Abbey

livre de Jane Austen (1817)

Catherine Morland est la fille d'un clergyman. Elle est d'une beauté commune et n'étant jamais sortie de sa campagne, elle est bête comme une oie, et d'une naïveté ! Une amie de sa mère, Mrs. Allen, propose de l'amener à Bath, où son mari doit prendre les eaux. Là, Mrs Allen, qui ne connaît personne, rencontre Mrs. Thorpe, venue avec ses trois filles. La plus jolie, la plus évaporée, la plus vive, la plus prétentieuse, Isabelle, tourne la tête de James, frère de Catherine, tandis que John Thorpe, son frère, un rustaud assommant, lui fait la cour, mais Catherine, obnubilée par ses romans noirs ("gothic novel" en anglais), ne se rend compte de rien. Elle rencontre, un soir, Henry Tilney, un clergyman aux conversations anticonformistes, qui cependant disparaît une semaine. Catherine fait la connaissance de sa soeur, Eleanor, avec qui elle planifie une promenade, ce qui contrecarre les projets de John Thorpe. Le père d'Henry, le général Tilney, invite Catherine à quitter Bath et les accompagner dans sa demeure : Nothanger Abbey. Ce nom fait rêver Catherine, ce dont se moque Tilney.


Là-bas, Catherine est perdue dans ses rêveries de roman noir : que contient ce grand coffre mystérieux dans sa chambre ? (des couvertures supplémentaires). Quel est ce manuscrit laissé au fond d'un secrétaire à la serrure capricieuse ? (une liste de blanchisserie oubliée). Pourquoi ne peut-on visiter telle chambre ? (c'est la chambre de la défunte épouse du général, dont Catherine s'imagine rapidement qu'elle a été assassinée ou est séquestrée dans une partie secrète de l'abbaye). Henry, qui était absent, se rend compte de ces rêveries et détrompe la jeune fille, qui réalise à quel point elle est niaise. Enfin, le courrier apprend à Catherine que les fiançailles de son frère avec Isabelle sont annulées, car la belle s'est avérée trop évaporée et bien trop vénale. Cette dernière écrit à son ancienne amie/faire-valoir une lettre dont même la jeune fille se rend compte qu'elle n'est que duperie grossière.


Puis, alors qu'un mariage avec Henry semble se préciser, le général fait brutalement renvoyer Catherine par la malle-poste chez ses parents. Eperdue, la jeune fille voit finalement arriver Henry, qui la demande en mariage et lui explique la raison de cette disgrâce : A cause de racontars de John Thorpe, M. Tinley père croyait la famille Morland plus riche, puis plus pauvre qu'elle n'est. Heureusement, tout le monde finit par se marier.


Le roman, au demeurant fort léger et facile à lire, se décompose en trois parties pour moi : la première est une satire mordante de la gentry qui vient se relaxer à Bath et faire étalage de mondanités (les femmes obsédées de leurs chapeaux, les hommes de leurs cabriolets), qui s'essouffle cependant un peu à la fin ; la seconde, la meilleure, le coeur du roman, hélas trop court à mon goût, repose sur le même ressort que le "Quichotte" ou "Mme Bovary" : un individu naïf qui confond la réalité avec la littérature. Délectable, tant Austen est à l'aise avec ces clichés du roman noir (chandelle qui s'éteint, teinture agitée par le vent, passages secrets, etc...), que d'ailleurs elle n'accable pas, bien au contraire. Ce livre travaille à demander la reconnaissance pour ce genre littéraire qui a eu une telle influence dans la littérature anglaise, avec des références précises à l'oeuvre de Radcliffe, mais pas seulement. La dernière partie fait plutôt penser à du Bildungsroman, dans la lignée du Goethe de "Wilhelm Meister" ou des "Affinités électives". Catherine, par son sens de l'intégrité, triomphe d'un monde bien trop complexe pour son intelligence limitée.


L'auteure fait de nombreuses adresses au lecteur (du genre "je vous laisse imaginer ceci, plutôt que de le décrire"), avec une ironie plutôt tendre pour son héroïne, dans ce qui serait l'équivalent du style héroï-comique, mais pour le roman noir. L'épilogue me chiffonne un peu tout de même : on aurait aimé savoir quelle disgrâce guettait l'infâme Isabelle et son frère John, et puis cette manie de marier tout le monde fait vraiment convenu, pour le coup.


Un exemple des mille et une petites notations de ce roman, p. 80 : "Une jeune femme n'est élégante que pour sa satisfaction personnelle. Aucun homme ne l'en admirera davantage, et aucune femme ne l'en aimera mieux".


C'est un roman très drôle, pétillant, qui donne envie de se plonger dans le genre auquel il rend hommage tout en le parodiant tendrement : le roman noir.

zardoz6704
7
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le 30 juil. 2015

Critique lue 252 fois

zardoz6704

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