Cette saynète en un acte (vingt pages – on est loin des quelque 90 pages en moyenne des grands succès de Feydeau) est une œuvrette de jeunesse, trop courte pour servir de première partie aux pièces qui attiraient le grand public parisien. Le sujet : Henriette de Tréville, jeune veuve, convoite de se remarier avec Monsieur de Neyriss, joli gosse charmeur. Elle reçoit la visite de sa cousine Valentine, visiblement nettement plus jeune qu’elle. Valentine lui confie son espoir d’être demandée en mariage par un homme dont elle est amoureuse. Henriette s’engage à en parler à la mère de Valentine, lorsqu’elle apprend le nom du chéri de celle-ci : Monsieur de Neyriss. Henriette change alors complètement d’attitude.
L’intrigue elle-même n’a pas grande originalité. Mais son traitement révèle un sens aigu de l’humain et de la psychologie féminine. Déjà, la brièveté de la pièce, et la distribution réduite à deux personnages qui discutent d’un sujet somme toute sérieux (le mariage et le bonheur qui devrait lui être associé) évoquent l’atmosphère de certains « Comédies et Proverbes » de Musset. La pièce, d’ailleurs, pourrait se terminer mal, ce qui confirme le sérieux de l’inspiration. Bon, Feydeau trouve un moyen de dénouer rapidement la rivalité entre les deux femmes, mais ce n’était pas garanti d’avance.
La naïveté de Valentine sur le mariage et la sexualité est charmante. Plutôt que de rêver à un bonheur conjugal fondé sur la présence de l’être aimé, elle voit dans le mariage une voie vers la satisfaction d’affligeantes vanités sociales : « Se faire appeler Madame ! porter des diamants !... aller au Palais Royal (théâtre parisien où l’on représentait des pièces assez légères auxquelles on évitait d’emmener les jeunes filles) ! » . Bref, Valentine, voit dans le mariage un simple moyen de grandir et de s’insérer dans le monde des adultes, ce qui, finalement, n’est pas excessivement romantique, mais devait tout de même correspondre à une réalité sociologique assez commune.
Le jeu dramatique est intéressant en ce qu’il joue sur la dialectique proximité-distance psychologique entre les deux femmes : autant Henriette de Tréville se montre amicale, fraternelle et généreuse pour aider Valentine tant qu’elle ne sait pas qu’elles convoitent toutes deux le même homme, autant elle creuse brutalement les distances avec elle dès qu’elle y voit une rivale. On se complaira à démêler dans le discours d’Henriette les idées « rapprochantes » (« Nous sommes toutes les mêmes, nous autres femmes ! » et les répliques « éloignantes » (« Une veuve a sur cette matière plus d’expérience qu’une petite fille. »).
Les changements de ton traduisent de manière translucide les émotions des deux femmes, et, sur un texte aussi court, la vraisemblance psychologique est remarquable. Mais on reste dans la saynète, et le comique se fait discret.