Je me suis lancé dedans sans rien connaître de l'auteur, de l'époque, du récit...
J'ai naturellement mis un peu de temps à comprendre ce qu'on me racontait, dans quel ton je naviguais. C'est d'autant plus vrai qu'on est sur un tragi-comique, qui côtoie parfois le pathétique.Les dialogues sont toujours lancés sur un rythme très théâtral, avec emballement qui porte toujours vers une explosion puis un calme morne retrouvé, et ainsi coller à la condition de laquelle Oblomov est prisonnier.
Ce qui frappe aussi très vite, c'est la qualité des portraits. On sent un sens de l'observation acéré, des détails foisonnant pour arriver à dépeindre un être, d'en présenter toute la complexité qui a résulté la simplicité qui nous est donné de voir au prime abord. Les hommes sont ici toujours bourrés de contradiction, loin des archétypes, quelque soit l'importance des personnages. Sans compter un style vigoureux, inventif et savoureux.
Ce qui aboutit à la deuxième grande force du récit, sa structure. On avance toujours à l'envers, quand une situation ou un nouveau personnage nous est donné, on s'attarde ensuite à l'expliquer, remplissant le livre de digression toujours aussi réjouissante en terme de style. Si cela commence par bribe, le phénomène devient de plus en plus touffu, et remonte de plus en plus le temps.
Ce qui nous paraissait simple au début, nous est finalement représenté dans toute sa complexité. Le monde apparaît toujours plus vivant et bouillonnant. On finit par tout savoir d'Oblomov, et son état si déplorable et agaçant, nous semble finalement logique et inévitable.
D'autant plus intéressant que cela dépeint parfaitement une époque contrite dans la transition, laissant sur le pavé des âmes, qui n'y étaient pas préparées, prisonnières de leurs éducations, de leur imaginaire daté.
Se confronte en Oblomov le monde de son enfance, le monde urbain en transition mais aussi sa singularité, son regard poétique, un monde magnifié qui n'appartient qu'à lui mais qui n'intéresse déjà plus personne. Il sent cette émotion mais il n'arrive pas à en faire quelque chose, car qui pourrait y trouver un intérêt quand les gens vont et viennent avec fracas, profitant de voyages sitôt leur tâche dument accomplie.
Mon seul écueil c'est précisément que j'avais déjà commencé à remettre les pièces du Puzzle Oblomov avant que l'on ne plonge dans ses rêves. Notamment par la qualité de l'écriture et la force des situations, des portraits, des relations.
J'avoue donc que toutes ces pages qui détaillent longuement le rythme des journées des Oblomov dans leurs terres ont pu faire plonger mon intérêt. Les digressions ont commencé à devenir une douleur, les détails une redondance. Cette description n'en reste pas moins un précieux témoignage j'en conviens, mais pour ma part, j'ai subi le dernier tiers sans plaisir, sans révélation, avec l'impression de trop plein. Et la fin d'arriver comme une délivrance pour laisser ce pauvre Oblomov dans ses limbes, et moi retrouver le sel de ma vie.