Trop ou trop peu ?

Le 2 septembre 2004, en Dordogne, le dirigeant d'une exploitation agricole abat à coups de fusil un inspecteur et une contrôleuse du travail. Dans les médias, on parle du mal-être des agriculteurs, de la « désespérance paysanne », on excuse et on comprend ; le gouvernement annonce des mesures d'aide pour le monde rural. Quant aux membres de l'inspection du travail, ils n'auront pas un entrefilet, on saura à peine leur nom. Il faudra deux semaines d'une mobilisation massive des syndicats, de la gauche radicale, et de quelques médias alternatifs, pour que Daniel Buffière et Sylvie Trémouille soient enfin considérés comme autre chose que des victimes d'un banal fait divers. Gérard Filoche explique pourquoi ce n'est pas un fruit du hasard, si on a étouffé le double meurtre de ces membres de l'Inspection du travail.

Le livre, on doit l'admettre, est plutôt mal fichu. Ecrit au vitriol, avec un propos grossissant, souvent exagéré ; pour moitié composé seulement d'extraits de journaux, et de citations de forums web. Mais c'est la marque des livres de combat, chiadés à la hâte comme des coups de poing – en témoignent les fautes d'écriture ici et là, parce qu'on a sauté la relecture pour publier plus vite. Pour le prix de cet empressement, on obtient un portrait presque instantané, une photographie des tentions sociales dans les premiers jours de septembre 2004. C'est un livre fondamentalement honnête. Il est publié, sans surprise, dans la collection « Coups de gueule ».

Il y a un vertige à lire ce livre. Soit Gérard Filoche est paranoïaque, et tout est rêvé – soit c'est vrai, et c'est saisissant. En tout cas, qu'on adhère ou qu'on refoule, c'est un livre qui laisse des traces ... on espère.