Orgasme
5.4
Orgasme

livre de Chuck Palahniuk ()

Je vois dans Orgasme de Chuck Palahniuk un écho aux Ecrits corsaires de Pier Paolo Pasolini ; c'est pour cette raison que le titre de cette critique emprunte une locution de l'ouvrage de ce célèbre réalisateur italien : "l'hédonisme de masse" (qu'il dépeint même comme un fascisme du bien-être), critiqué avec largesse par Pasolini, et qui désigne cet hédonisme mêlé de consumérisme qui caractérise la société de consommation où la joie de vivre est joie d'acheter ; société de consommation où est planté le décor d'Orgasme.

"La fièvre de la consommation est une fièvre d'obéissance à un ordre non énoncé", écrivait Pasolini ; cette fièvre - de l'excitation comme de la jouissance - Chuck Palahniuk la met en scène, l'anime, sous la forme d'une fable acide qui dresse une satyre de l'aliénation au désir et au plaisir, jusqu'à les rendre effroyables. Quiconque sait manipuler l'excitation et la jouissance des consommateurs - et, surtout dans cet ouvrage, consommatrices - devient leur maître ; Pasolini esquissait cette terrible hypothèse, et Palahniuk la confirme.

"A l'estomac" m'était tombé des mains ; j'ai dévoré "Orgasme". L'écriture, jubilatoire, fait ricaner et nous tend un miroir déformé - ou quelque chose qui nous ferait sombrer dans un cauchemar halluciné. L'intrigue, efficace, a le mérite de nous donner envie de connaître le dénouement. Chuck Palahniuk s'empare du thème du plaisir féminin - qui occupe la scène contemporaine - et le renverse, le rend cauchemardesque, si bien que nous voyons dans celui qui veut que les femmes, toutes les femmes, connaissent un plaisir sexuel puissant un bienfaiteur, puis un monstre. On frissonne de joie, émoustillé par cette perspective, puis d'horreur ; le retournement est efficace.

Il y a aussi, à mon sens, un peu de Cronenberg dans ce livre : dans ce personnage de Linus Maxwell, magna de l'industrie, qui manipule le corps féminin comme il le ferait d'un cobaye et enfile une blouse blanche dans l'intimité, inversant l'horizon d'attente du porno (l'excitation) pour le rendre inquiétant ; dans ces objets destinés à stimuler, exciter, extasier ce corps (leur origine, explicitée en fin d'ouvrage, ne peut qu'accentuer cette impression) ; dans ces corps fluidiques, qui ouvrent leurs orifices, tremblent, ruissellent, jouissent.

Et il y a la fin, devant laquelle on ne sait que faire tant elle nous laisse coi : nous fait-elle sourire, comme le ferait une happy end, nous fait-elle doucement rire devant la fatalité, ou alors trembler devant la perspective qu'elle offre à tous les personnages du livre ? Tout ça à la fois, sans doute. On connaît le goût de Chuck Palahniuk pour les fins qui provoquent une jubilation amère.

Acephale
8
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Créée

le 24 août 2023

Critique lue 5 fois

Acephale

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