Ce bref dialogue entre « Monsieur X » et « Monsieur Y » est riche en tensions et en retournements de situations. Déjà, l’absence de patronymes portés par les personnages nous placent dans une abstraction, une généralisation quasi philosophique de l’intrigue.
Monsieur Y a d’étranges comportements qui surprennent Monsieur X : il est excessivement complaisant, cherchant à éviter toute occasion de tension ou de contradiction ; il contemple bizarrement et régulièrement la ville voisine (Malmö) ; il sursaute chaque fois qu’il est question, de près ou de loin, des gendarmes...
Monsieur X prend l’initiative de deviner pourquoi Monsieur Y se comporte ainsi. De fil en aiguille, il apparaît que Monsieur Y a commis quelque forfait, et peut-être pas seulement un. De son côté, Monsieur Y profite d’un aveu spontané de Monsieur, qui a également quelque chose à se reprocher.
On est sur le mode de l’enquête policière, et surtout des renversements de pouvoir entre personnages : chaque fois qu’un personnage comprend que l’autre a quelque chose à se reprocher, il prend le dessus dans la conversation, en renvoyant l’autre à sa culpabilité, ou en menaçant de dévoiler publiquement son inconduite. La position de domination change de camp plusieurs fois au fil des pages, et, finalement, Monsieur X renvoie Monsieur Y à sa condition de paria inintégrable socialement, pour des motifs que le spectateur aura l’amabilité de découvrir.
Palpitante en ce qui concerne l’affrontement, cette pièce pose explicitement la question de la culpabilité, de sa définition sociale, et de la distance entre cette définition et le ressenti subjectif de chacun au sujet des forfaits accomplis. En ce sens, cette pièce possède une portée philosophique et psychologique bien en phase avec une époque où la psychanalyse se développait et séduisait les intellectuels comme Strindberg.