Jeune fille dans un milieu petit-bourgeois provincial, Judith étouffe sous le joug d’un père tyrannique « Et depuis quand on fait ce qu’on veut dans la vie ? » et d’une mère soumise. La parole lui est refusée, elle ne peut parler, « parce que chez moi à l’intérieur, il y a une zone fermée barricadée. Depuis si longtemps que je ne sais même plus. Peut-être que je suis née avec. »
La délivrance arrive avec l’entrée en fac. Une petite chambre, la LIBERTE ! « Et quelle joie quand je suis sortie la première fois avec ma clé dans la poche. Rien qu’à moi. » Et, il y a eu la rencontre avec LUI, Alain. Elle a fondu dans ses bras, connu sa première fois avec lui. Pourtant, jamais, elle ne peut dire « Je suis incapable de prendre le risque d’oser dire. Même à lui». Avec Alain, elle découvre un autre monde, une autre littérature, la lutte avec les autres étudiants. Elle le reconnait elle-même, elle n’est pas politisée, elle fait tout ça pour être à la hauteur d’Alain, pour être avec lui. Elle apprend, la politique, les cours à la fac, l’amour, la vie.
Cette époque correspond à sa chrysalide. Elle n’est plus chenille mais pas encore papillon. Tant de choses tues sont en elle, « Est-ce que je sais au fond de moi ce qui m’a toujours fait peur ? est-ce qu’on sait toujours tout ? » comme les relations incestueuses de sa sœur avec son père « Quelque chose de puissant venait de se frayer un chemin dans ma tête »


Elle n’a pas pu tuer le père pour s’assumer complètement en tant que femme, il est mort avant. « Il m’est arrivé de me demander si c’était pour fuir la parole qu’il était mort si tôt. Il m’arrive encore de regretter que la confrontation ‘ait jamais pu avoir lieu. »


« Savoir ne permet pas forcément de se libérer soi-même de tout. Si mon pas est plus ferme aujourd’hui, je sais qu’il me reste encore des portes à ouvrir à l’intérieur de moi. Mais la lourde épave a entamé sa remontée du fond du lac. Un jour, je sais qu’elle sera à l’air libre et que le courant l’emportera au loin, vers la mer ».
On ne nait pas femme, on le devient écrit Simone de Beauvoir dans le deuxième sexe. C’est un long chemin semé d’embûches, de découvertes, d’amour, de vie.
Une très belle lecture. J’apprécie vraiment les mots de Jeanne Benameur : Les insurréctions singulières, Orages intimes, Profanes,

zazy
6
Écrit par

Créée

le 14 oct. 2016

Critique lue 210 fois

zazy

Écrit par

Critique lue 210 fois

D'autres avis sur Pas assez pour faire une femme

Pas assez pour faire une femme
Thiclesifa
8

Pas assez pour être une femme

Ce texte est une tension. Une jeune femme découvre l'amour et avec celui ci, elle lutte contre ses propres casseroles et cela au moment de la lutte de mai 68. C'est un grand bouleversement. Par...

le 19 sept. 2019

Pas assez pour faire une femme
zazy
6

S'ouvrir à l'amour

Jeune fille dans un milieu petit-bourgeois provincial, Judith étouffe sous le joug d’un père tyrannique « Et depuis quand on fait ce qu’on veut dans la vie ? » et d’une mère soumise. La parole lui...

Par

le 14 oct. 2016

Pas assez pour faire une femme
aaiiaao
4

Critique de Pas assez pour faire une femme par aaiiaao

Je cherchais des livres francophones féministes et Pas assez pour faire une femme ressortait très régulièrement dans les "à lire". Je n'ai pas eu de déplaisir à le lire mais malgré ses 90 pages, j'ai...

le 24 nov. 2016

Du même critique

Surtensions
zazy
9

Un polar comme je les aime

Je découvre le capitaine Victor Coste alors qu’il a déjà sévi dans plusieurs bouquins, mais cela n’a aucune importance pour la compréhension de l’histoire. Nous voici de suite dans le bain carcéral,...

Par

le 14 oct. 2016

2 j'aime

1

Le Tabac Tresniek
zazy
7

L'Autrioche à l'arrivée d'Hitler vue par un jeune naïf

============= Suite à la mort de l’amant de sa mère et donc, des subsides, Franz Huchel débarque à la capitale, Vienne, pour aider Monsieur Tresniek, vieil ami de sa mère qui possède un bureau de...

Par

le 14 oct. 2016

2 j'aime

L'homme qui a vu l'homme
zazy
9

Incommunication au Pays-Basque

Dès la première page, je suis dans le bain, plutôt dans la Mégane ou la Corsa. Le livre démarre sur les chapeaux de roues ; « les pneus qui crissent sur le bitume gelé. » Tout au long de cette...

Par

le 29 nov. 2015

2 j'aime