N’en étant qu’à mes début dans la lecture des Phryne Fisher (deux bouquins pour le moment), je ne ferai pas de généralité, mais il semble qu’avec Death at Victoria Dock, Kerry Greenwood colle à son patron habituel.
Deux enquêtes simultanées pour une enquêtrice qui pourrait être submergée mais tient bien les reines de sa petite maison et de ses pensées.


Avec ce volet, Greenwood continue sur sa lancée et nous offre une héroïne toujours aussi moderne et sulfureuse quoi que - et c’est une déception du roman - un peu trop détachée émotionnellement.
Si l’on sent bien que Phryne est une femme de pulsions mais aussi de coeur qui sait s’entourer de personnes peu fréquentables pour quelqu’un de son rang (Cec et Bert ne sont pas exactement des amis normaux pour une femme de la haute, ce qui est contre-balancé par le fait que Phryne elle même n’est pas exactement une fréquentation normale pour deux ouvriers communistes…), de personnes faibles a priori ou au passé trouble (entre Dot, élevée au couvent et qui commence à découvrir les dangers et l’excitation d’une vie moins rangée, et les deux filles adoptives de Phryne…), Greenwood commet ici une grosse erreur : attribuer à Phryne un trop grand détachement émotionnel.
Phryne, on aime la voir la tête froide, résolvant des énigmes et gérant les crises avec sang froid. Mais lorsque les personnes qu’elle aime sont touchées, elle réagit avec le même détachement et c’est la que l’auteure prend de gros risques. Certes, Dot en est convaincu, Phryne ferait tout pour la sauver. Certes, Phryne nous le dit, malheur à qui s’attaque à ses amis et aux êtres qu’elle considère comme chers. Elle ne plaisante pas et ne fera pas de quartier. Mais alors comment fait elle pour passer la nuit aux bras de son amant alors que sa chère Dot est entre les mains de dangereux anarchistes ?! D’accord, paniquer ne sert à rien. Faire les cent pas non plus. Mais comment fait elle pour batifoler pendant 2h avec son amant du moment dans de telles circonstances ?


Cette faute de goût étant écartée, passons au reste.


Comme j’en avais eu l’impression avec Flying too High, Greenwood concentre davantage ses efforts sur son héroïnes (d’où la gravité de ma réflexion précédente) que sur ses enquêtes. Attention, je ne dis pas qu’elles sont bâclées. Mais elles manquent de profondeur, c’est certains. Chacune des deux enquêtes auraient put donner lieu à un livre complet et il n’est pas étonnant qu’en 170 pages l’auteure n’est pas le temps de creuser davantage.
J’en reviens à l’idée qui me trottait dans la tête en lisant le deuxième opus de la série : j’aurai adoré lire ces livres étant adolescente (c’eut été un agréable contre-poids aux Conan Doyle et au Christie), mais maintenant que je suis adulte il leur manque cette substance policière qui les aurait transformer en très bons livres.


Car même si les enquêtes ne sont pas suffisamment approfondies, elles tiennent la route.
De plus, comme je l’ai déjà dis sur une autre critique et malgré la faute de goût de Greenwood en ce qui concerne le détachement de Phryne sur un élément si personnel, j’aime le personnage de Miss Fisher. Elle est libre, indépendante, son passé lui offre la capacité de comprendre la classe ouvrière autant que son statut actuel lui permet d’enquêter dans la haute société et elle ne ménage pas ses cellules grises (même si ici les réponses lui arrivent un peu toutes cuites dans le bec).
Une femme qui sait ce qu’elle veut, sait l’obtenir et se contre-fiche du quand dira-t-on. Au risque de me répéter, c’est l’héroïne que j’aurai voulu connaître dans ma jeunesse et celle qui répond à pas mal de mes critères d’adulte.
Dot quant a elle, commence à devenir plus dégourdie. Certes son éducation et ses habitudes sont toujours là, mais il est plaisant de la voir réagir en situation de crise.
Nous rencontrons enfin Hugh Collins, plus dégourdit ici que dans la série, ce qui est un plus non négligeable, et qui s’annonce plutôt intéressant s’il continue sur cette lancée.


Les deux intrigues sont donc certes un peu faiblardes, mais Death at Victoria Dock reste plaisant à lire. Greenwood aurait pu creuser davantage ses enquêtes et nous en apprendre davantage sur le milieu anarchiste (d’autant qu’elle même ignorante à ce sujet, ses propres recherches auraient pu nous documenter sans alourdir le récit) et le détachement de Phryne quant à ce qui touche à ses proches me laisse sceptique, mais la lecture est plaisante, le style léger et ce volet constitue une lecture divertissante et agréable par une journée pluvieuse (avec évidemment en fond sonore un petit album jazz des années 20-30).
Pas le meilleur de l’auteure pour le moment, mais un court roman qui se laisse lire.

Gaby_Aisthé
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le 20 nov. 2017

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