Pour Isabel, où on retrouve Tabucchi!

Le dernier livre publié d'Antonio Tabucchi, est un livre posthume. Depuis 1996 qu'il était "prêt" et c'est deux ans après sa mort que son épouse, Maria José de Lancastre, et son éditeur italien, Feltrinelli, l'ont publié en Italie en 2013.

Édité en France il y a deux mois chez Gallimard, traduit par Bernard Comment, écrivain suisse ayant beaucoup fréquenté et traduit Tabucchi, Pour Isabel est un de ses livres où l'auteur exprime avec délice son engagement littéraire, à la fois cette proximité de la vie et de la mort dans ce que l'une nous apprend et nous prépare à l'autre, le concert des "adieux, l'absence, le retour", mais également certains de ses thèmes préférés liés à son deuxième pays, le Portugal.

On y trouve des pages sur le fascisme portugais, la PIDE police politique, la lutte clandestine au régime de Salazar. Sous ce régime, de parti unique -et de pensée unique- toute contestation ou opposition réelle, ne pouvait se faire que dans la clandestinité.

Le dire comme cela pourrait faire penser à un roman à clé, mais s'il y a des clés, elles sont libres, car toutes les portes sont ouvertes. Et c'est à cela que nous sommes conviés dans cette recherche de la trace d'Isabel.

Pas comme des enquêteurs dans une investigation qui serait «où est passé Isabel?». Non, nous ne sommes pas des "investigateurs", avec Antonio Tabucchi nous sommes des accompagnateurs de cette mosaïque de personnages, de lieux, de liens, que les uns et les autres se tissent, s'élaborent, se prolongent. C'est dans cette constellation, ou plus justement dans ces différents cercles, dont nous sommes avertis dès le sous-titre du livre, un mandala, que nous allons évoluer, nous prélasser dans le plaisir de la lecture..

On sait que mandala, en sanskrit, signifie disque, cercle. On l'utilise parfois pour des pratiques thérapeutiques ou des initiations à la médiation. Avec Pour Isabel c'est un peu de cette quête de paix intérieur, très "confrontative" dans des lieux aussi divers que la banlieue de Lisbonne, Barcelos, Macau, les Alpes Suisses, Naples, la Riviera pour se conclure, ou l'imaginer au Portinho da Arrabida, de l'autre côté de Setubal. Et là nous sommes dans les paysages d'une partie de la géographie de Tabucchi.

Pour Isabel, tel mandala est construit par cercles, ils sont neuf. Chacun dévoile un peu plus de l'énigme, donne à connaître Isabel, dont on apprend beaucoup très tôt dans le livre mais qu'on va questionner tout le long. Vrai, faux, aucune importance sinon celle du partage de ce qu'on pourrait appeler l'énigme continue de la vie.

Les personnages que nous croisons, dès Monica, dans le premier cercle, à Monsieur Almeida ou Oncle Tom en Reboleira, Tiago, le Fantôme qui marche, tous singuliers dans leurs parcours, dans leurs vies qui apprennent à Tadeus, entre narrateur et enquêteur principal, par où est passé Isabel mais aussi le chemin qu'il poursuit. Et c'est ainsi que sur le vaporetto, "les lumières d'Arrabida se rapprochaient", dans ces moments où les adieux, l'absence, le retour se mêlent et se questionnent.

Les lecteurs et les connaisseurs de Tabucchi le retrouveront avec cette liberté d'imaginer, d'inventer, de s'autoriser à des variations, que ses livres nous procurent toujours. Si on le découvre avec Pour Isabel, je pense qu'on le suivra vers d'autres de ses livres, Requiem, Tristano meurt, La tête perdue de Damasceno Monteiro...
ArthurPorto
9
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le 15 déc. 2014

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ArthurPorto

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