Quartier général du bruit par litout

Depuis 1997, Christophe Bataille est éditeur chez Grasset. Il travaille dans des murs qui semblent encore avoir en mémoire les rires de Bernard Grasset. Comme en hommage à la grandeur de cet homme de lettres, il raconte dans ce court roman tonitruant, les dernières semaines de ce découvreur de talents. Dans l'asile de Meudon où il est interné, il reçoit la visite de Kobald, son homme de confiance. Ce dernier raconte, la folie, le génie... « Bernard Grasset s'était épuisé à lire sans trêve, sans nuit, lire jusqu'à ne plus lire, rien, ou si mal, jusqu'à ne plus aimer. » Grasset dont l'obsession était de vendre : « Vendre jusqu'à en crever, tenir, faire face, accepter les « Intermittences du coeur » de Marcel Proust, une nuit de 1913, publier Maurois, les évêques adultérins, Trostski, que nos murs saignent non pas le néant mais l'encre, un flot de livres, à la pelle, au fagot, en palettes, un torrent de concepts, de crimes jusqu'à plus soif, jusqu'à nous pisser dessus comme des marquis, des cadavres, mieux, des momies, ah, c'est si bon de vendre (...) » Tout le roman est dans cette veine, entre délires et vérités poético-économiques. On comprend pourquoi l'éditeur, toujours armé, devenu un peu paranoïaque, a fini dans une folie totale, ressassant sans cesse la fin tragique de son père, suicidé dans une vigne en feu. Un instantané du milieu littéraire, inquiétant mais si brillant...