Tout homme qui ne dispose pas des deux tiers de sa journée pour lui même est un esclave...

 Tout homme qui ne dispose pas des deux tiers de sa journée pour lui même est un esclave...


C’est je crois à peu près ce qu’écrivait Nietzsche 30 ans avant Jack London dans « humain trop humain » .


Ce roman, burning daylight (nom éponyme du personnage, selon moi mal traduit en « radieuse aurore » car il ne rend pas l’ardeur passionnelle de celui-ci) à l’allure de récit, me semble un résumé de la philosophie de l’auteur : écologie, romantisme, féminisme, communisme ou tout au moins solidarité, et franc-maçonnerie, c’est-à-dire liberté, égalité et fraternité, en insistant beaucoup sur la liberté et la fraternité.
Le livre commence au Yukon avec les aventures extraordinaires d’un pionnier visionnaire et chercheur d’or, rayonnant de force et de virilité, mais qui a peur des femmes, car il vit dans un monde rude où l’amour lui est un danger, lui qui sans être idiot n’est avant tout que force brute, énergie sauvage et indomptable, et où les méandres de l’affect l’affectent. Une première partie magnifique le voit triompher des affres de la faim, tutoyer la mort sans jamais lui céder, tout perdre sur un coup de dés, et recommencer, sans attendre, sa quête pour s’en sortir et s’en sortir le verbe haut, malgré les beuveries et les jeux de cartes car pour lui la vie n’est qu’un jeu.Cette époque chaotique fait de lui un héros au cœur large, que l’argent n’atteint pas car il vibre de tout son être. Puis il comprend que la condition de salarié est un esclavage moderne (voir à ce sujet les magnifiques cours de Supiaux sur Youtube) et décide qu’il doit prendre des raccourcis et son intelligence et son audace lui permettent rapidement de faire fortune.


Pourtant, en quelques années, il se lasse de son univers qu'il trouve étroit, et, fort de sa légende, réalise son capital et descend loin au sud pour jouerà une plus vaste table. Cet être passionné s’enferme alors dans une « cage à poules » où il passe son temps à combattre, tel un Robin des bois, les capitalistes voleurs de la toute fin du 19e siècle. Robin des Bois, mais sans redistribution.
Ce faisant il s’isole et ses traits durcissent de cruauté à mesure qu’il comprend la vilénie des autres, et lui qui d’un geste ample distribuait ses bontés, s’enferme dans un égoïsme dévastateur qui le mène à sombrer dans l’alcool pour durer, à mesure qu’il amasse des millions. Il réalise alors que la vie est un jeu faustien où l’on peut perdre son âme.


Seul l’amour, le retour à la nature, et au travail physique quotidien, loin des villes aliénantes va peut être le sauver, mais pour cela encore faut il qu’il se dénude et rencontre l’autre, c’est-à-dire une femme à sa mesure, une femme qui ne l’aime pas pour son argent mais au contraire pour qui il est, qui le suscite, par sa seule présence.


C’est avant tout un livre sur les choix que l’on doit faire pour rester humain, pour grandir et s’ordonner, maîtriser ses passions, les canaliser sans y renoncer. Alors parfois le propos peut paraître un peu trop présent dans l’histoire, mais il porte à réfléchir dans sa simplicité : être un surhomme n’est ce pas justement aboutir à faire l’union en soi même ? Et pour cela s'abandonner à l'autre ?

Prunzy
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le 8 juil. 2021

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Prunzy

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