Au milieu du XXIe siècle, le célèbre poète américain Robert Gu revient à lui grâce à un traitement miraculeux contre la maladie d’Alzheimer. Il peut alors quitter la maison de repos de Rainbows End où il a passé les quatre dernières années. Il emménage chez son fils Bob, colonel des Marines, sa belle-fille Alice, agent des services de renseignements, et sa petite-fille Miri. Robert veut maintenant retrouver son génie disparu, et se familiariser avec un monde qui a évolué très rapidement en son absence : tout le monde vit dans une réalité augmentée dans laquelle de multiples couches issues des réseaux informatiques se superposent à la réalité. Le monde entier est constitué d’objets connectés, et chacun peut communiquer avec le réseau global grâce à ses vêtements ou ses lentilles de contact et se déplacer sous forme d’avatar à l’autre bout du monde. Obligé de retourner à l’école, Robert va y croiser le gamin Juan, l’ancienne pirate informatique Xiu Xiang, et son ancien souffre-douleur Winston Blount. Celui-ci le présente à un groupe de conspirateurs qui tente d’empêcher une multinationale de détruire les livres de la bibliothèque du campus de Californie du Sud dans son processus de numérisation. Mais tous ces personnages sont, d’une manière ou d’une autre, manipulés par les responsables d’une opération internationale des services secrets indo-européens : Alfred Vaz, Mitsuri Keiko et Gunberk Braun. Ceux-ci tentent d’avoir accès à une technologie nouvelle de contrôle de l’esprit humain et visent les laboratoires de recherches biologiques situés à côté du campus de l’université. Ils font appel à un mystérieux étranger qui apparaît sous la forme d’un avatar de lapin. Mais qui tire réellement les ficelles derrière cette mission de renseignement ?


Il y a au moins trois aspects très intéressants dans ce roman de Vernor Vinge. Tout d’abord, l’évocation détaillée d’un futur proche où objets et humains sont presque tous interconnectés. Ensuite, la possibilité qu’un des esprits derrière cette aventure soit en fait une intelligence artificielle. Et enfin, le danger technologique inédit qui menace de modifier radicalement la face du monde. Malheureusement, aucun de ces aspects ne constitue le coeur du roman.


La fusion entre le monde réel et une tentaculaire cybersphère est juste utilisée comme une toile de fond. Nous suivons les efforts de Robert Gu pour se raccrocher aux dernières technologies, sans l’ébauche d’une interrogation sur les effets de la connexion permanente, ou sur la possibilité de se projeter sous forme d’avatar aux quatre coins de la planète, par exemple. Le mode de fonctionnement de ce réseau mondial est d’ailleurs tellement peu détaillé qu’il permet à plusieurs reprises à l’auteur d’opérer des raccourcis saisissants : un petit piratage par ci, un retrait d’accréditation par là, et le tour est joué.


Quant à l’existence d’une Intelligence Artificielle particulièrement puissante, son existence même ne sera jamais réellement confirmée, c’est dire si cette question est particulièrement marginale dans la trame du récit.


Le début du roman est pourtant très prometteur : la découverte d’un test de contrôle de populations entières qui ferait pâlir d’envie les pires terroristes de l’Histoire, la consternation et la panique qui s’emparent des services de renseignements, la mise au point de l’opération destinée à empêcher la catastrophe, tout laisse espérer un thriller biotech qui va nous tenir en haleine de belle manière. Malheureusement, ce fil est rapidement abandonné au profit des pérégrinations de Robert Gu, de ses rapports familiaux, de ses difficultés à l’école, ou de son apprentissage des nouvelles technologies. Ses aventures avec le groupe de défense des livres ne suscitent qu’un intérêt limité, d’autant plus qu’aucun des personnages de l’entourage de Robert n’a conscience d’être manipulé par les services de renseignements ou par le mystérieux Lapin.


La vie de Robert Gu est jalonnée d’enjeux sans intérêt pendant que l’étau se resserre sur les biolabs, et nous passons donc systématiquement à côté de l’intrigue réellement intéressante. Les événements vont bien sûr se précipiter, les destins vont se croiser, mais ça ne suffira malheureusement pas à racheter les faiblesses du récit. En effet, il y a d’un côté des personnages aveugles au déroulement des événements, enfoncés dans des intrigues secondaires sans intérêt, et d’un autre des espions qui tirent les ficelles d’une manière particulièrement idiote, incapables malgré toutes leurs ressources et leur quasi omniscience de remplir correctement un seul de leurs objectifs de départ…


Quand les thèmes abordés sont intéressants, ils sont vite délaissés. Quand ils font partie intégrante de l’intrigue, ils sont dépassés et sans intérêt, comme ce combat contre le livre numérique. Le roman se réclamant du cyberpunk, on est en droit de s’interroger sur la pertinence d’un genre, dont les craintes et les espoirs font souvent partie de notre quotidien désormais.


Prix Hugo 2007, Rainbows End brille plus par son univers que par son intrigue ou ses personnages. Les éléments technologiques sont confus, l’action l’est encore plus, les personnages sont pour la plupart caricaturaux et l’intrigue repose sur des acteurs qui prennent sans arrêt des décisions insensées.

OliDup
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le 31 déc. 2017

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