L'avantage de la pensée de Simon Reynolds est que sa cartographie de la musique est assez simple : Au centre il y a l'Angleterre, matrice éternelle de toute musique pop : berceau de la dernière génération d'artistes pops authentiquement créateurs. A l'ouest, nous avons le cousin doué américain, dont on verra tout le long du bouquin qu'il passe son temps à copier ou retravailler la production du génie britannique. Tout au plus concède-t-il un génie créateur équivalent aux artistes afro-américains, capables d'influencer la pop sur tout la planète. A l'extrême orient nous avons le Japon, spécialistes de l'imitation fidèle du rock anglo-saxons, mais totalement dépourvus de capacité créatrice.
Légèrement à l'est, les français qui n'existent musicalement que par Daft Punk et ses larges emprunts dans le fonds musical anglo-saxon et Françoise Hardy et la pop 60s mais qui en revanche voient leurs philosophes d'après guerre régulièrement cités (Derrida, Althusser, Bourdieu, Lacan, Debord, etc.).
Et enfin plus à l'est encore les allemands, dont l'auteur salue l'apport que constitua Kraftwerk et toute la scène musicale qui s'en suivit à la musique pop.


Voilà pour le cadre. Le gros d'oeuvre maintenant.


On assiste à une espèce d'énumération rhapsodique de différentes tendances musicales rétro qui ont traversé l'histoire de la musique pop anglo-saxonne des années 60 (puisque tout commence avec les Beatles, c'est bien connu) jusqu'en 2010.
Le livre s'ouvre sur une série de questions auxquelles l'auteur se propose de répondre, suivie d'une tentative de définition de ce qu'est la musique rétro. A partir de là, c'en est fini de toute rigueur. Tout le reste du bouquin est écrit sur le mode du storytelling. Reynolds raconte ses histoires, énumère anecdotes et rencontres, nous parle de la vie de ses amis et incorpore tout ce qui se rapporte à son sujet dans sa vie personnelle. Telle collectionneur possédait un box entier de vinyles dans Londres, tel autre a acheté un enregistrement 1£ pour le revendre 20k£ dix ans plus tard.
Aucune structure, aucune cohésion et surtout aucune profondeur.


L'auteur n'interroge pas réellement les différentes manifestations du retour au passé, quels sont les motifs et les pulsions de tels mouvement, et pour reprendre une dialectique éculée, qu'est ce qui fonde leur unité au milieu de leur diversité. Au lieu de ça, il se contente de décrire les mouvements, de raconter, de décrire avec ses propres mots l'état actuel de la musique qui a épuisé le retour au passé et qui devient une sorte de re-création permanente. On passe d'un mouvement musical à un autre, d'une mode à une autre, on fait des incursions dans la mode (en expliquant au passage la différence entre la mode, des habits très chers dont la valeur se déprécie rapidement, à l'inverse des enregistrements obscurs qui prennent tout a coup énormément de valeur), on suit des formations et disparitions spontanées de courants revival-istes.


Bon in fine vous l'avez compris, je regrette l'absence de hauteur conceptuelle, d'une analyse plus poussée de l'intérêt pécunier des industries musicales à entretenir cette frénésie de découvertes (il n'y a qu'à voir le succès de Sugar Man pour s'en douter) et l'absence de données, de chiffres en tout genre qui pourraient donner un peu de consistance à la thèse de l'auteur.


Je le recommande à tous les amateurs de pop-rock US/UK et les gens qui ont l'esprit collectionneurs. Les autres, vous n'y trouverez rien de satisfaisant.


PS : Je l'ai lu en anglais, ce qui explique sans doute quelques omissions et incompréhensions de ma part.

Fabrizio_Salina
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le 22 juil. 2015

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Fabrizio_Salina

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