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Révolte d’une femme libre est un recueil de nouvelles hétéroclites que l’on traverse avec le sentiment d’une lecture non-essentielle mais pour autant perturbante car il joue avec nos émotions et notre empathie. C’est un étrange mélange de sentiments qui nous fait refermer ce livre en étant mitigé, à la fois agacé, parfois surpris pour des passages dont la profondeur nous touche, et parfois pris dans la narration, et cela dépend beaucoup de chaque nouvelle et avant tout d’une perception toute personnelle, je crois, car ce recueil fait appel en nous à la confrontation de notre être social : jusqu’où peut-on aller ? Quelles sont les bassesses, les pensées que nous n’aimerions pas partager avec notre entourage parce qu’elles relèvent trop de quelque chose de communément humain, voir instinctif et animal (telle la tendance au matraquage psychologique dans la nouvelle « Le Chant de la vérité »). Oui, en refermant le recueil après le dernier mot, je ne savais pas trop comment me prononcer, certaines nouvelles m’ont profondément énervé, d’autres sont passées à travers moi, peut-être un peu trop jeunes encore pour me toucher, et il m’a fallu attendre quelques jours avant de prendre suffisamment de distance et de pouvoir me lancer dans une critique constructive et non pas sujette aux premières émotions relevées.


Un peu juvéniles ou superficielles pour certaines, c’est ce que j’ai ressenti surtout à la lecture de la première nouvelle (que j’ai trouvé dommage de lire en premier car elle ne rend pas service à la profondeur qu’on peut trouver dans les nouvelles suivantes). A chaque page, je me disais : « oui, il y a là quelque chose de prometteur dans cette nouvelle qui porte bien son nom, « Engrenages », car on discerne bien la mécanique qu’a voulu insuffler l’auteur avec cet engrenage des situations des personnages qui interpellent l’une l’autre et se font écho (parfois par des biais peu crédibles). On sent une certaine montée en puissance : un chapitre = un personnage dont il a été rapidement question dans les pensées du personnage du chapitre précédent et donc focus sur ce nouveau personnage, et ce système tout au long de la nouvelle, par ricochets entre les personnages. Ça crée une attente, on se demande comment tous ces rouages vont finalement se mettre en place, on se dit que c’est prometteur, qu’il y a là un système d’écriture intéressant et assez bien mené (si ce n’est l’agacement parfois devant la futilité de certains personnages dont l’intériorité apparaît pour le coup assez futile). Toute cette fresque révèle le portrait survolé de personnalités très contemporaines à ce moment de vie de remise en question, ce moment de stagnation et de prise de conscience qui va permettre de s’élancer. On attend de voir justement si cette prise de conscience va être un tremplin ou un simple constat d’instants. En exergue du recueil, l’auteur précise que ces nouvelles sont représentatives de l’égarement de la jeunesse, et c’est ce qu’on déplore parfois de retrouver même sous la plume (on aurait espérer que cela soit amené avec un certain recul de l’âge et de l’expérience), ou est-ce le fait que, souvent, la plume s’arrête à la stricte énonciation purement factuelle ?


De l’agacement profond face à la nouvelle « Le Chant de la vérité » donc qui consiste surtout en un dialogue destructeur, l’un des personnage accusant et matraquant ses jugements à la tête de l’autre qui ne réagit pratiquement pas et semble vide. Les tords dont il est accusé paraissent certes malsains mais ce jugement que porte de façon intolérante et colérique son « ami » a tendance finalement à nous porter vers plus d’empathie pour le personnage agressé qui s’en prend plein la tronche sans qu’on sache pourquoi ça lui arrive de cette manière). La fin est assez moralisatrice et le « c’est bien fait », facile. Et je me pose la question : avec l’âge est-il possible d’être toujours aussi énervé et intolérant ? Ne serait-il pas plus efficace de prendre les choses avec une certaine distance et une certaine relativité ? Mais ce ressenti me doit être très personnel, forme de rébellion personnelle contre ce genre de réaction.


Les autres nouvelles sont celles qui m’ont le plus happées car elles ne s’arrêtent justement pas toujours à l’énonciation factuelle quoique je sois souvent restée sur ma fin, peut-être un peu trop facile parfois, mais des nouvelles qui contiennent des réflexions plus travaillées et écrites avec un style plus maîtrisé : « Le chaos qui régnait en moi me rappelait à l’entrechoc des molécules en physique quantique. Ce désordre aurait convenu aux meilleurs chirurgiens sur une table d’opération. Il avait besoin d’être étudié, analysé, décortiqué et épuré de ses ramifications obscures. Je me prêtais volontiers à des analogies. Les ressentis aussi pouvaient avoir des antécédents, des tumeurs et des égarements. Il suffisait d’en enlever les parties insanes pour les restructurer et les réorienter vers le positif. » (in « La Confrontation des deux espaces »). Ces autres nouvelles apportent un vrai regard sur des éléments essentiels et universels : la construction de soi-même, l’embrigadement des codes sociaux qu’on s’imposent soi-même et qui se retournent contre nous, une rencontre qui permet de voir en nous ce qui était encore inconscient et tout cela représenté avec une plume assurée, un rythme de phrase mélodieux et lyrique. J’aurais préféré ne lire que ces nouvelles-ci, à mon sens plus aboutie et révélatrice d’un univers littéraire propre à son auteur. Ce recueil nous traverse donc en laissant un goût doux-amer, une appréhension mitigée, mais je me dis également que, s’il a provoqué des réactions aussi virulentes en moi, c’est qu’il doit avoir quelque chose à dire, une vérité profonde à laquelle j’ai été plus ou moins réceptive selon les nouvelles. La critique littéraire est toujours une affaire de subjectivité.

JustineCoffin
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le 15 avr. 2016

Critique lue 98 fois

Justine Coffin

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