Philip Roth reste un grand auteur qui écrit régulièrement sur l'identité juive, la libido masculine, plus tard sur la peur de la mort, non présente dans ses premières oeuvres présentées ici. Il agace, se montre clivant, comme le montrent nos discussions à son sujet, mais il demeure incontournable, par les thèmes abordés, son style, son humour et ses réflexions métaphysiques.
Pour son entrée à la Pléiade, sont ici réunies ses cinq premières oeuvres où ses personnages et certains de ces thèmes sont déjà campés. M'étant déjà exprimé à leur sujet par des critiques complémentaires - dites "critiques-éclairs" - , je me permets de vous les livrer ici de manière groupée.


Goodbye Columbus - L'agacement que créent les Juifs, selon un Juif, critiqué le 27 mai 2018 - ****
Dans sa première publication, Philip Roth explique, par une série de six nouvelles pourquoi les Juifs agacent, par un conservatisme et une considération de peuple élu, une radicalité parfois, qui peuvent créer la cause de leur rejet. Il livre sa démonstration avec dureté, de l'humour assez souvent, de l'ironie presque toujours. Cela a évidemment contribué à le placer quelque peu au ban de sa communauté, qu'il décrit avec sarcasme, tant il semble la renier ou la critiquer. Il s'en prend en réalité davantage à la religion et au sectarisme qu'elle engendre, chez les Juifs comme chez les Chrétiens.
L'ensemble s'avère donc assez grinçant, bien que l'étude sociologique mérite d'être méditée, car elle (me) semble digne d'intérêt.


Portnoy et son complexe – Un livre très drôle, qui fait réfléchir, critiqué le 13 février 2015 ; 4,5/5
Les émois compulsifs de cet adolescent juif obsédé s'avèrent, en effet, je confirme, désopilants. Leur complication par la présence d'une mère non moins juive, possessive et voyant en son fils un éternel garçon ne manque pas de créer en série des situations entre tragicomédie et burlesque.
J'avais toujours quelque peu hésité à lire ce livre, bien qu'il fût l'un des premiers de cet auteur, mais j'y ai ai pris du plaisir (si je puis me permettre, sans volonté de calembour de mauvais aloi). Il est donc à conseiller, avec quelques précautions d'usage.


Le Sein – Une farce burlesque, critiqué le 25 mai 2018 - ****
Philip Roth renouvelle ici ses considérations métaphysiques, sous couvert d'hypocondrie, dans une farce courte, effectivement inspirée du Nez de Gogol et de la Métamorphose de Kafka, oeuvres au passage citées ici. L'effet voulu réside dans l'humour et la dérision des fantasmes masculins. Le protagoniste s'interroge sur la nécessité de se soumettre à une maladie psychiatrique, ce qui constituerait une fin plus noble que cette transformation grotesque qui prête à rire, mais ce qui n'est évidemment pas si simple.
C'est assez drôle et distrayant, sans que cela laisse inévitablement des souvenirs impérissables. Mais cette nouvelle permet de passer un moment relativement agréable, lors d'un trajet pour aller au travail.


Ma vie d’homme – Un jeune homme anxieux de sa virilité, critiqué le 6 janvier 2018 - ****
De manière burlesque mais un tantinet attendue, Philip Roth décrit la jeunesse et l'entrée en âge adulte d'un Américain juif vivant sous la coupe d'une mère abusive. Fréquemment malade, d'apparence chétive, il craint fort pour sa virilité et tente d'en faire des caisses pour séduire les femmes, ce dont pâtit sa vie sentimentale. De là, commence une analyse chez un psychiatre avec qui les relations vont également en dent de scie, comme avec sa mère et les autres femmes.
La trame générale ressemble furieusement à un film contemporain de Woody Allen, pour le meilleur et les mêmes petits travers. A connaître les mondes personnels des deux artistes qui connaissent des points communs, l'effet de surprise est inévitablement en partie émoussé, mais cela vaut bien la peine, car on y passe un bon moment.


Professeur de désir – Métier et sexe comme miroir de l’âme, critiqué le 8 janvier 2017 – 4,5/5
L'activité professionnelle et les pratiques sexuelles reflètent de manière fiable la personnalité de chacun. Cette idée est traitée dans ce roman de manière humoristique et sarcastique. Cette oeuvre est riche en second degré et délires plaisants. Elle s'avère divertissante, est vite lue, et m'a fait passer un bon moment. Sans doute n'est-elle pas inoubliable, ni la plus profonde de cet auteur prolifique, qui arrive à traiter de ses sujets-fétiches, le sexe, les lettres et la judaïté, mais ce roman doit être pris pour ce qu'il est, et je dois avouer qu'il m'a bien fait rire.


Un autre recueil de roman de Philip Roth existe, dans la collection Quarto, toujours chez Gallimard, édition qui vaut ce qu'elle vaut, mais retrace des oeuvres plus tardives, portant plus largement sur l'Amérique selon son prisme d'analyse (http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/39466).
Celui-ci apparaît important, en ce qu'il montre la genèse d'un auteur de marque, quoi qu'on puisse en penser globalement, alors que l'autre le montre davantage dans sa maturité.

Créée

le 23 sept. 2018

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